Comment les économistes, sociologues et politistes raisonnent-ils ? Dans cet article, le cours de SES de seconde.
Les Sciences Économiques et Sociales (SES) ont pour objectif central de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Pour cela nous travaillons avec la Science Économique, la Sociologie et la Science Politique. Mais comment cela fonctionne ?
Les notions essentielles de ce thème (définies dans cet article) : économie, modèle, ressources rares, sociologie, fait social, méthode quantitative et qualitative, neutralité axiologique, enquête, science politique, politiste.
I. Les objets d’étude et la façon de raisonner des économistes
A. À quoi s’intéresse un économiste ?
Âge de Pierre, âge d’abondance
Il y a maintenant plus de vingt ans, lorsque j’ai commencé l’enseignement des Sciences économiques et sociales, on tentait de faire comprendre aux élèves que nos économies dites développées pouvaient connaître la rareté, notamment parce que nos besoins sont illimités et donc nous ne pouvons qu’être frustrés par le manque, la ‘rareté’ qui correspond au fait que notre demande est supérieure à l’offre. À l’opposé, comme le soutient l’anthropologue américain Marschall Sahlins, dans son ouvrage Âge de pierre, âge de l’abondance, L’économie des sociétés primitives, 1972, les peuples plus traditionnels, moins développés, connaissent l’abondance parce que leurs besoins sont limités, et ainsi ils connaissent l’abondance. Ce regard anthropologique utilisé à l’époque reste fort à propos aujourd’hui pour définir l’économie.
C’est la science de l’allocation efficace des ressources rares. Le mot ressource est employé dans un sens large et fait référence aussi bien aux biens naturels qu’aux machines, mais aussi au travail humain forcément limité en terme de temps. Ainsi, la question centrale est comment allouer ou affecter ces ressources rares le plus efficacement possible.
Des questions centrales en économie
Par exemple, face au problème écologique, on peut se demander s’il faut produire plus en utilisant plus de matières premières. Plus d’utilisation de pétrole, cela signifie plus de pollution. Une autre question dans le monde du travail : face au chômage qui touche certains actifs, ne faut-il pas des mécanismes permettant de mieux affecter la ressource travail ? Pour répondre à cette question, l’économiste considère alors que la régulation peut se faire par le marché, c’est pourquoi on propose le thème Comment se forment les prix sur un marché ?
L’économiste considère aussi que les pouvoirs publics peuvent réguler ce marché grâce à de nombreuses institutions : Par exemple, pour éviter l’exploitation des travailleurs, de nombreux pays ont mis en place un salaire minimum qui oblige l’employeur à respecter le travailleur que l’on ne peut pas considérer comme une ‘marchandise’.
B. Comment raisonne un économiste ?
L’économiste travaille de la même manière que les autres sciences.
Les modèles économiques
Il cherche à comprendre comment se comporte un acteur économique qui doit faire des choix dans un monde de rareté, comme le consommateur qui doit choisir entre les différents biens ou services qu’il souhaite se procurer ou une entreprise qui cherche à faire des profits ou l’État qui cherche à optimiser les politiques publiques pour le bien-être général. Pour comprendre ces choix, l’économiste construit. des modèles
Économiques qui lui permettent de représenter d’une façon simplifiée le monde qui nous entoure. Il formule ainsi des hypothèses, à partir de cela il construit des modèles théoriques qui deviennent vigoureux, autrement dit, qui donnent des résultats probants, une fois qu’ils ont été testés empiriquement en faisant des enquêtes, voire même des expériences.
L’exemple des prix sur un marché
Par exemple, si on reprend la question posée précédemment : « Comment se forment les prix sur un marché ? » l’économiste peut établir un modèle économique concernant le comportement du consommateur. Il peut ainsi considérer dans un premier temps que les variables qui vont influencer le consommateur sont multiples. Le choix du consommateur sera déterminé par la qualité du produit, le prix, le goût, l’emballage, le service après-vente, la renommée… mais il peut considérer en simplifiant la réalité que la variable fondamentale est le prix. Partant de là, il peut établir l’hypothèse que plus le prix est bas et plus le consommateur sera incité à acheter. Pour valider cette hypothèse rationnelle, il peut alors faire des enquêtes, des observations, des expériences en variant les acteurs et les produits.
II. Les objets d’étude et la façon de raisonner des sociologues
A. Quelles sont les questions principales en sociologie ?
La sociologie ?
Le mot sociologie a été inventé au XIXe siècle par le philosophe français Auguste Comte, c’est-à-dire si la matière est récente comparée aux mathématiques, par exemple.
La sociologie selon Yves Crozet c’est la science qui « se propose d’étudier scientifiquement l’homme vivant en société, les relations entre les individus et les mécanismes de fonctionnement des sociétés humaines ».
Les liens entre les individus
Mieux comprendre ce qui unit les individus, pour comprendre ce qui cimente les liens entre des individus différents. C’est cette question fondamentale qui va faire émerger la sociologie vers la fin du XIXe siècle. En effet, la Révolution industrielle amène des transformations sans précédent de la structure sociale de la population, mais aussi des valeurs, des manières de penser. Ainsi, l’urbanisation croissante transforme le modèle communautaire du monde paysan. On assiste à une individualisation de la société. Attention ! La notion d’individualisme ne doit pas être confondue avec l’égoïsme. On considère que l’individualisme, c’est la recherche de l’émancipation des contraintes collectives. Or, à cette époque, le mode de vie urbain transforme le mode de vie des communautés villageoises, avec un mode de vie très rythmé par les traditions familiales, coutumières, religieuses, en un mode de vie plus sociétal, c’est-à-dire que les individus font partie de la société, mais ne se sentent pas pour autant contraints.
Le saviez-vous ? Communauté versus Société
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Les faits sociaux
Finalement, la question centrale est ‘Comment fait-on société ?’ . Comment des individus différents ont-ils le sentiment d’appartenir à la société. Cela a alimenté de nombreux débats et en simplifiant à l’extrême on peut considérer qu’il y a trois formes de réponse. De nombreux sociologues à l’instar du Français Emile Durkheim (1858/1917), puis des sociologues qui vont suivre sa forme de pensée, vont travailler sur les contraintes qui vont déterminer l’acte des individus dans la société. Par exemple, je suis contraint avant 16 ans de me conformer à un certain type d’éducation. Les sociologues doivent donc travailler selon Durkheim sur les ‘faits sociaux‘. Ce concept important définit les manières de faire, de penser, de sentir, qui s’imposent à l’individu. On comprend dès lors, qu’il faudra privilégier des méthodes quantitatives basées sur des questionnaires, qui permettront d’obtenir des résultats statistiques objectifs. La sociologie nécessite donc de bien savoir analyser des tableaux statistiques, des graphiques avec des variables.
Les actions individuelles
Pour d’autres sociologues, influencés par le penseur allemand Max Weber (1864/1920), il est nécessaire de comprendre les actions individuelles pour comprendre la société. Cette école, que l’on nommera l’individualisme méthodologique, cherche donc à mieux cerner les comportements des individus. Tu verras, en première puis en terminale, si cela t’intéresse, que les stratégies individuelles de chacun dans la scolarité permettent d’expliquer des parcours scolaires différents et inégaux selon les classes sociales, et expliquent en partie des inégalités dans la mobilité sociale des individus. La méthode privilégiée pour mieux analyser les comportements des individus est la méthode qualitative, basée par exemple sur des entretiens ou des observations. Cela permet de mieux comprendre les opinions, les jugements, les motivations, etc. et ainsi de mieux comprendre les comportements.
Les interactions sociales
Une autre façon de voir les choses en sociologie est de considérer que la société est une dynamique et que les individus qui la composent modifient leurs comportements et leurs actes sociaux pendant les interactions sociales. C’est notamment l’école de Chicago qui a donné naissance à cette vision de pensée, c’est l’interactionnisme symbolique. Tu travailleras concrètement là-dessus avec le thème de la déviance en première. Cette question centrale sur la société nous a conduit à aborder des réflexions qui t’ont paru peut-être relativement abstraites. Alors, revenons à du plus concret. La deuxième question centrale en sociologie est comment explique-t-on les comportements sociaux ? Les manières de faire, de penser, d’agir des individus se ressemblent ou s’opposent, mais en tout cas sont différentes selon les individus. Pour comprendre cela, il faudra cerner la notion clé de socialisation. Mais c’est une autre aventure que je te propose dans le thème Comment devenons-nous des acteurs sociaux ?
B. Comment raisonne un sociologue ?
La neutralité axiologique
Pour mieux analyser et comprendre le comportement des individus, le sociologue travaille également le plus rigoureusement possible. Il essaye ainsi de garder une neutralité axiologique, pour reprendre ce concept défini par Max Weber, c’est à dire qu’il s’interdit tout jugement sur les ‘conceptions du monde’.
Partant de là, le sociologue va tenter d’établir des liens de causalités entre l’objet d’étude, et des variables comme l’âge, le sexe, la classe sociale d’origine etc. Par exemple, le sociologue va montrer que les loisirs sportifs des enfants sont genrés, autrement dit les filles pratiquent en majorité des sports différents des garçons. Pour valider le modèle sociologique, il va ainsi faire des enquêtes, c’est à dire collecter des données sur le terrain. Il peut ainsi réaliser des questionnaires rigoureux ou encore réaliser des entretiens. Il peut aussi observer le comportement des individus et tenter d’en comprendre le sens.
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Le saviez-vous ? Enquête quantitative et qualitative
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Il faudra particulièrement se méfier des corrélations qui ne sont pas des causalités. Qu’est-ce que cela signifie ? Je te laisse regarder cette vidéo explicative en dégustant une barre de chocolat :). Si tu veux approfondir je te laisse lire cet article complémentaire
III. Les objets d’étude et la façon de raisonner des politistes
A. Quelle est la question principale ?
Les domaines d’étude
La Science Politique est la science sociale dont l’objet d’étude est le champ politique C’est-à-dire l’organisation de l’État et des institutions politiques de l’État, les prises de décisions publiques, mais aussi le rôle des partis politiques, des idéaux politiques, ou encore l’analyse des comportements politiques, de l’acte de vote ou de l’engagement, par exemple. C’est donc une discipline étendue. Le sociologue et politologue français Philippe Braud considère que cela concerne quatre domaines principaux :
– la théorie politique qui permet de mieux analyser l’État, le pouvoir, les mobilisations comme par exemple les Gilets jaunes, etc.
– La sociologie politique qui concerne l’étude des acteurs, des actes et des comportements politiques. Le fait de voter ou de ne pas voter, de voter à gauche ou à droite, etc.
– les politiques publiques : cela concerne les prises de décision publique, les institutions de décision. Bien sûr, pour approfondir cet aspect des choses, il faudra, plus tard, si cela t’intéresse, poursuivre en droit public.
– les relations internationales où on étudie les relations entre les États et le rôle des organisations internationales.
Plus simplement
Mais soyons plus modeste dans cette introduction à la science politique. Nous allons nous centrer sur les deux premiers domaines en reprenant l’idée que la question principale en science politique est : comment se conquiert et s’exerce le pouvoir politique ? Cela sera développé dans le thème Comment s’organise la vie politique ?
Le saviez-vous ? Politologue ou politiste ?
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B. Comment raisonne un politiste ?
La Science politique est une science sociale dont l’objet d’étude est lié à la politique. Fondamentalement, il n’y a donc pas de différences méthodologiques avec la sociologie pour étudier, expliquer et comprendre un acte politique. Par exemple, un politiste peut désirer mieux cerner les déterminants du vote ; qui vote à gauche ? À droite ? Ne vote pas ? Grâce à des enquêtes sur une population donnée qui permettent de distinguer le sexe, l’âge, les revenus, le diplôme, la catégorie sociale, la région d’origine, le politistes va obtenir des résultats probants. C’est un des thèmes de première, mais si cela t’intéresse, tu peux regarder l’article.
Au terme de cet article, tu as compris que les trois sciences à la base des SES, à savoir l’économie, la sociologie et la science politique, nécessitent des démarches rigoureuses. Ainsi, cela permet d’amener des connaissances qui sont validées et qui permettent d’instruire les politiques qui devront prendre des décisions en connaissance de cause.
Si tu veux vérifier tes connaissances :
QCM (entre 0 et 3 réponses possibles)
1) On dit que l’économie est la science de l’allocation efficace des ressources rares, car :
a. Cela permet de transformer les ressources rares en ressources abondantes.
b. Elles modélisent les meilleures utilisations possibles des ressources.
c. Elles aident les décideurs publics à faire des choix.
2) L’économie :
a. C’est une science avec une méthode.
b. Ce n’est pas une science, car la société est trop complexe.
c. Ce n’est pas une science, car les résultats ne sont pas toujours validés.
3) Le fait social est :
a. un concept défini par Max Weber.
b. Vision subjective de la société
c. Caractéristique de l’individualisme méthodologique
4) Communauté et société :
a. La communauté exprime l’idée que les individus sont plus émancipés.
b. La société exprime l’idée que les individus sont plus émancipés.
c. sont des synonymes.
5) Une enquête, cela peut-être :
a. Un questionnaire
b. un entretien avec des personnes
c. une observation des comportements de certains individus
6) La science politique :
a. ne s’occupe pas des relations internationales.
b. nécessite de faire du droit public.
c. s’intéresse par exemple aux mobilisations, aux conflits politiques.
7) Un modèle politique sert par exemple à :
a. Mieux comprendre l’acte de vote.
b. Mieux cerner les comportements d’engagement
c. Mieux cerner les représentations politiques des enfants.
Le corrigé est ci-dessous.
MAJ juin 2024 @ Philippe Herry
Corrigé du QCM
1) b. c.
2) a. la réponse c. est fausse. Effectivement, contrairement à la science physique, pour l’économie qui est une science humaine, il existe de nombreux paramètres sociaux difficiles à modéliser. Lorsque les résultats sont infirmés il est nécessaire de reprendre les hypothèses du modèle.
3) aucune bonne réponse car effectivement le fait social est un concept lié à E. Durkheim
4) b.
5)a.b.c la réponse a. correspond à une méthode quantitative alors que les réponses b. et c. illustrent la méthode qualitative
6) b. c.
7) a.b.c les 3 réponses sont bonnes. La réponse c. les représentations des enfants ont été étudiées notamment par une sociologue et politiste Anne Muxel