Organisation et gouvernance des entreprises
Qu’est-ce qu’une entreprise ? Si nous adoptons un vision économique alors on dira que c’est une organisation formée de groupes humains structurés. On peut alors rajouter que l’objectif est la production grâce à l’utilisation rationnelle des facteurs de production. Avec un autre point de vue, l’entreprise est une organisation avec plusieurs formes de relations sociales marquées soit par la coopération, soit par des conflits. Il s’agit alors d’une vision plus sociologique de l’entreprise que nous étudierons dans un deuxième temps. On peut enfin s’intéresser au pouvoir dans l’entreprise, que l’on nomme depuis la fin des années 80, la gouvernance d’entreprise. Nous aurons alors un regard plus politique de l’entreprise. Tu auras compris finalement, que dans ce chapitre nous allons croiser l’économie, la sociologie et la science politique pour analyser la dynamique de l’entreprise.
Les notions essentielles du chapitre avec les définitions ci-dessous : entreprise, entrepreneur, micro-entrepreneur, manager, actionnaire, coopérative, gouvernance d’entreprise, hiérarchie, centralisation et décentralisation des décisions, partie prenante, coopération, conflit du travail.
I. A travers la vie d’une entreprise
En 2018 environ 700 000 entreprises ont été créée en France d’après l’INSEE, mais plus de la moitié d’entre elles auront disparu 5 ans après. Attention, lorsqu’on emploie le terme de disparition cela peut effectivement signifier la liquidation judiciaire de l’entreprise qui ne peut faire face à ses engagements, mais cela peut aussi signifier la disparition de l’entreprise qui fusionne oui est rachetée par une autre entreprise. On va préciser tout cela ci-dessous.
A. La naissance de l’entreprise
A toi de jouer en découvrant l’histoire de la naissance des grandes sociétés qui t’entourent comme par exemple Facebook (avec Instagram et whatsapp et pleins d’autres filiales du groupe), ou Nike ou Apple… Ce n’est pas du hasard si on utilise du vocabulaire anglo-saxon pour décrire les start-up, ces jeunes entreprises aux activités innovantes qui vont très vite attirer les convoitises car il y a des possibilités de gains .
Mais avant tout : pourquoi l’entreprise existe ? C’est la question que se pose l’économiste libéral Ronald Coase dans son ouvrage La nature de la firme, 1937. Il considère ainsi que le recours au marché n’est pas toujours efficient car il entraîne des coûts de transaction inéluctables à chaque échange marchand. Il s’agit notamment des coûts d’information, de négociation des contrats, du contrôle des respects du contrat, etc. La firme ou l’entreprise est donc une organisation stable et structurée qui permet d’éviter ces coûts de transaction. La coordination au sein de l’entreprise est assurée dans un cadre hiérarchique, autrement dit reposant sur une autorité, contrairement au marché ou la coordination est assurée par les prix.
B. La dynamique de l’entreprise et l’évolution des statuts juridiques
L’entrepreneur individuel
Le développement d’une entreprise s’accompagne d’une modification des statuts juridiques. L’entrepreneur individuel, c’est à dire le propriétaire unique de l’entreprise peut choisir dans un premier temps le régime de micro-entrepreneur. C’est un régime simplifié d’entreprise pour l’exercice d’une activité indépendante, qui nécessite beaucoup moins de formalités. Ainsi, grâce à des simplifications administratives, l’État espère inciter de nouvelles vocations d’entrepreneurs porteurs de croissance économique potentielle.
De la SARL à la SA
Lorsque l’entreprise se développe et que cela nécessite des associés, alors l’entreprise peut devenir une Société A Responsabilité Limitée (SARL). Enfin si l’entreprise continue à se développer et nécessite par ailleurs des capitaux pour investir et poursuivre l’innovation permettant de se démarquer de la concurrence, alors il pourra être nécessaire de changer une nouvelle fois de statut juridique et devenir une Société Anonyme (SA), autrement dit une société avec de nombreux actionnaires (d’où le terme anonyme). Les actionnaires sont ceux qui ont acheté des actions et se faisant sont devenus propriétaires d’une petite partie de l’entreprise. Cela leur donne le droit d’obtenir le dividende, autrement dit une partie des bénéfices de l’entreprise. Nous avons très rapidement évoqué différentes structures d’entreprises. Pour plus de détail je te conseil ce tableau synthèse de l’Express
Nous avons choisi de reprendre ce schéma classique de développement de l’entreprise capitaliste. Pour autant, il est possible que les associés choisissent une autre voie de développement, plus respectueuse des travailleurs de l’entreprise ; la coopérative.
C. Une autre forme d’entreprise : la coopérative
Tout comme pour l’entreprise capitaliste, le capital des coopératives est privé. Mais la société est régie par de nombreux principes, parmi lesquels les plus importants sont :
– l’entreprise est possédée par les adhérents coopérateurs qui peuvent être les salariés de l’entreprise ou les clients consommateurs dans le cas d’une coopérative de consommation ou de distribution
– A chaque homme,une voix . Autrement dit à chaque décision importante de l’entreprise les salariés-coopérateurs comme les dirigeants votent et chacun ne représente qu’une voix. A contrario dans le modèle capitaliste classique de la SA, celui qui possède le plus d’actions a le plus d’influence sur le vote du Conseil d’Administration.
D. La disparition d’une entreprise
Des entreprises leader
Il est étonnant de parler de fin d’une entreprise alors que si nous regardons ne serait-ce que les entreprises leaders du CAC40 en France, elles restent le symbole vivant de la poursuite du développement d’entreprise qui sont nés avant guerre notamment. On pense par exemple aux groupes Renault, Peugeot ou Michelin, Dassault ou Danone (j’aime bien mélanger les avions militaires et les yaourts 🙂 ). Ces grandes entreprises ont grandi en faisant disparaître les entreprises concurrentes moins performantes ou encore en les absorbant ou en fusionnant. Aujourd’hui la stratégie visant à racheter une entreprise en achetant la majorité des actions d’une entreprise nécessite plus de transparence puisque l’entreprise qui veut manger l’autre doit émettre une Offre Publique d’Achat (OPA).
Les entreprises disparaissent
Finalement, les entreprises disparaissent, soit par liquidation judiciaire lorsqu’elle ne peuvent s’adapter à la concurrence ou au marché qui évolue, soit par absorption ou fusion ou enfin tout simplement soit par cessation volontaire d’activité, lorsque le commerçant par exemple cesse son activité et qu’il n’y a pas de repreneur..
Concernant la liquidation judiciaire, c’est l’aboutissement d’un processus juridique qui commence souvent lorsque l’entreprise ne peut faire face à ses dépenses et ne peut rembourser ses créanciers. Lorsque l’acte de défaillance d’entreprise ou dépôt de bilan est prononcé cela enclenche le processus de redressement judiciaire et qui dans 20% des cas environ aboutira à prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise. Regarde les chiffres de l’INSEE si tu le souhaites.
Ce premier paragraphe nous a permis de découvrir le cycle de vie de l’entreprise. Penchons nous sur l’acteur clé de l’entreprise : l’entrepreneur
II. Les différentes figures de l’entrepreneur
A. L’entrepreneur innovateur
Le self made man
Le self-made man américain est le symbole de celui qui est parti de rien et a bâti un empire. L’histoire est pleine d’exemples d’illustres fondateurs. Aux Etats-Unis, au XIXe siècle, on retrouve notamment Du Pont de Nemours à l’origine du groupe chimique mondial , John Davison Rockfeller et la Standard Oil devenu Esso et Exxon Mobil, l’homme le plus riche de tous les temps. On retrouve aussi Carnegie, industriel et philantrope qui a bâti un empire dans le domaine du fer et de l’acier. Au XXe, on a Henri Ford qui a révolutionné l’organisation du travail dans ses usines automobiles , Thomas Edison fondateur de la General Electric , Ralph Loren fondateur de la marque éponyme, et au XXIe on retrouve notamment les fondateurs des GAFA, avec Jeff Bezos le président d’Amazon, considéré comme l’ homme le plus riche de la planète, Mark Zuckerberg le fondateur de Facebook ou encore Steve Jobs pour Apple et nous n’oublierons pas bien sûr Bill Gates et Microsoft.
Schumpeter et l’entrepreneur
Ces quelques exemple illustrent le concept d’entrepreneur-innovateur tel que l’a défini Joseph Alois Schumpeter (1883/1950). Cet économiste autrichien qui termina sa carrière aux Etats-Unis pour fuir le nazisme explique la dynamique du capitalisme et partant de là, de la croissance économique, en mettant l’accent sur l’innovation. En terminale tu retrouveras cet auteur autour des théories des cycles de l’innovation dans le thème 1. Selon Schumpeter, l’entrepreneur est le capitaine d’industrie, qui a le charisme, qui sait prendre des risque dans le processus d’ innovations. Il n’est pas obligatoirement le propriétaire d’entreprise, il peut être un dirigeant salarié, un manager.
B. Le manager
Le manager c’est celui qui dirige les entreprises et cela nécessite des compétences techniques et organisationnelles qui s’apprennent notamment dans les écoles de commerce et de management ou encore les universités d’économie qui sont devenus souvent des universités d’économie et de management. On comprend dès lors que diriger une entreprise qui se développe et qui va atteindre le stade de maturité puis de consolidation, nécessite de nouvelles compétences que l’entrepreneur-innovateur ne possède peut-être pas. Il peut se mettre alors en retrait et laisser les rènes de l’entreprise à des spécialistes de la gestion des entreprises. et devenir actionnaire de son entreprise.
Croisons les regards sur l’entreprise, avec justement une vision plus aiguisée sur la distribution du pouvoir dans l’entreprise.
II. La gouvernance d’entreprise
Qu’est-ce que la gouvernance d’entreprise ou corporate governance ? Cela caractérise la manière dont sont prises les décisions dans les entreprises souvent les grandes entreprises. Comme on l’a vu au début du chapitre l’entrepreneur-innovateur est à l’initiative d’une entreprise qui par la suite est souvent gérée par la famille, c’est ce qu’on appelle le capitalisme familial, mais la bonne gestion de l’entreprise nécessite des managers, les décideurs salariés vont alors accaparer plus de pouvoirs au sein des entreprises. C’est ce qu’on appelle le capitalisme managérial.
A. Du capitalisme managérial au capitalisme financier
Pour former les managers, les école de commerce qui sont nés tout au long du XIXe siècle en France, vont acquérir un statut bien défini après-guerre. Si tu veux en savoir un peu plus sur l’histoire des école de commerce c’est ICI. Mais à partir des années quatre-vingt, les actionnaires autrement dit les propriétaires des Sociétés Anonymes, vont souhaiter retrouver un pouvoir en exigeant des managers une efficacité permettant d’accroître toujours plus la valeur ajoutée et donc le dividende distribué. Ce type de capitalisme financier que l’on nomme capitalisme actionnarial ou shareholder a souvent connu les excès dont tu as déjà entendu parlé. La volonté de gagner de l’argent à tout prix, de limiter les coûts pour accroître les dividendes, à mis en avant trop souvent des règles de financement au mépris des conditions de travail, du bien être des salariés et aussi de l’environnement. C’est l’excès d’un capitalisme sauvage, débridé et cynique dont se sont fait l’écho beaucoup de films comme La loi du marché, Ma part du gâteau, Corporate et bien d’autres.
B. La gouvernance partenariale
Face aux dérives du modèle actionnarial, une prise de conscience a émergé et on s’est mis à imiter notamment le capitalisme rhénan, qui met en avant la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et la cogestion dont nous allons parler ci-dessous. D’autre part, les grandes entreprises cherchent aujourd’hui davantage à associer l’ensemble des parties prenantes c’est à dire les acteurs de l’entreprise au niveau interne comme les actionnaires, les managers et autres salariés, et au niveau externe comme les clients, les fournisseurs, les créanciers, les collectivités publiques, etc. C’est ce qu’on appelle le modèle partenarial ou stakeholder.
Pour terminer ce regard croisé sur l’entreprise, analysons avec le regard d’un sociologue comme par exemple Crozier, les jeux de relations sociales, de
III. ‘Guerre et paix’ au sein de l’entreprise
A. Les conflits au sein des entreprises
Les conflits du travail sont c’est des oppositions, dans le monde du travail,entre des individus ou des groupes sociaux qui défendent des intérêts ou des valeurs en opposition, et cherchent à instaurer un rapport de force en leur faveur
Quand on emploie le terme de ‘conflit’ du travail, on a en tête en premier lieu, les manifestations, les grèves des salariés. Et pourtant, cela peut sembler étonnant à certains, mais depuis 1975, on constate en France, une forte baisse des journées de grèves. La médiatisation à outrance des mobilisations citoyennes surtout lorsqu’elles sont ternies par de la violence spectaculaire, peut modifier la perception de la réalité. On est alors dans la société du spectacle, loin d’une analyse sociologique des conflits . En fait, on constate qu’avec la montée de l’individualisme, les formes du conflit plus collective autrefois, s’individualisent. Ainsi, le conflit traditionnel du travail avec grèves ou débrayages est complété par d’autres formes comme par exemple le refus de faire des heures supplémentaires, des pétitions papiers ou numériques etc. Nous vivons dans une société plus individualiste et cela affecte aussi les conflits du travail. Cela est d’autant plus vrai que les grosses manufactures d’autrefois avec des bastions d’ouvriers ont laissé place à des groupes multinationales avec une division du travail par filiales, souvent implantées dans différents pays, et une très forte augmentation de la contractualisation avec des sous-traitants. Cette nouvelle structure des entreprises est moins adaptée aux modes de conflits plus traditionnels.
B. La coopération au sein des entreprises
Comme nous l’avons précisé ci-dessus, les nouvelles modèles de gestion des entreprises se veulent plus coopératives. La coopération est un système de coordination des décisions avec des parties prenantes volontaires et une implication de tous. C’est une véritable responsable sociale et environnementale de l’entreprise qui est mise en place, c’est à dire qu’au delà du profit, l’entreprise se préoccupe de l’environnement et entretien un dialogue social, autant avec les salariés qu’avec les sous-traitants. La cogestion des entreprises, comme cela est pratiquée en Allemagne, peut-être un modèle de gouvernance dans lequel les salariés, par l’intermédiaire des syndicats des travailleurs, exercent une participation active à la gestion des entreprises. Par exemple en Allemagne, la loi exige que dans les entreprises de plus de 2000 salariés, les projets les plus importants doivent être approuvés par les représentants des salariés.
Conclusion
A travers la vie d’une entreprise nous avons parcouru les différents statuts juridiques de l’entreprise. Nous avons travaillé sur les pouvoirs de décision au sein des entreprises, en distinguant le capitalisme managérial et actionnarial. Il est temps de laisser place à une gouvernance d’entreprise plus coopérative et plus ouverte sur l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
Pour vérifier tes connaissances :
QCM (entre 0 et 3 réponses possibles)
Corrigé à la fin de l’article
1) Schumpeter est un économiste
a. keynésien
b. marxiste
c. qui met en avant la notion d’innovation
2) La Société Anonyme
a. se nomme ainsi parce que les propriétaires sont multiples
b. est la propriété du manager
c. est la propriété des actionnaires
3) La coopérative
a. est une entreprise publique
b. est possédée par les salariés de l’entreprise ou les clients consommateurs
c. est un modèle d’entreprise qui n’existe que dans le monde agricole
4) le capitalisme actionnarial
a. précède historiquement le capitalisme managérial
b. est une forme de gouvernance d’entreprise
c. est synonyme de capitalisme familial
5) Les parties prenantes de l’entreprise comprennent
a. les sous-traitants
b. les collectivités locales où sont implantées les entreprises
c. les salariés
6) La coopération au sein de l’entreprise
a. cela peut signifier plus de cogestion
b. est basée sur la solidarité des acteurs de l’entreprise
c. cela n’implique pas la participation volontaire des acteurs concernés
7) Le conflit du travail
a. n’est pas compatible avec la gestion coopérative dans l’entreprise
b. s’est individualisé
c. s’est modifié avec la modification des structures des entreprises
MAJ juin 2022 @ Philippe Herry
Corrigé du QCM
1) c.
2) a. c.
3) b.
4) b.
5) a. b. c.
6) a. b.
7) a. b. c.