La dépendance envers des pays dont on réprouve la politique dictatoriale, la pollution, la volonté de se protéger d’une concurrence étrangère déloyale… Tous ces éléments agissent contre le développement des échanges mondiaux. Nous verrons alors dans ce chapitre si le temps de l’économie mondiale qui a prospéré après-guerre, est compté. Nous reprendrons les déterminants du commerce international et de l’internationalisation de la production. Nous nous questionnerons sur la compétitivité des entreprises et des pays. Puis, pour débattre entre protectionnisme et mondialisation, il faudra connaître les effets du commerce international. À la fin de l’article, il y a un QCM pour vérifier tes connaissances.
Des notions du programme à connaître: libre-échange, avantage comparatif, dotation factorielle, dotation technologique, différenciation des produits, fragmentation de la chaîne de valeur, productivité, compétitivité prix et hors prix, protectionnisme
I. Les évolutions et transformations des échanges internationaux
Avant de rentrer dans le vif du sujet (ou plutôt du programme 🙂 ), il est nécessaire de bien comprendre de quoi on parle.
A. Les caractéristiques du commerce international
Une explosion du commerce mondial.
On peut définir le commerce international comme les flux de biens et services qui circulent entre différents pays.
Nous constatons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale l’explosion du commerce mondial. Le rythme de croissance des exportations a été plus important que celui de la croissance mondiale. Ainsi, les exportations de marchandises ont été multipliées par pratiquement 32 depuis 1950. Alors que dans le même temps, le PIB mondial a été multiplié par environ 8,5. Cela traduit l’ouverture croissante des pays.
Est-ce pour autant un phénomène récent ?
Une histoire longue d’après Daniel Cohen.
Daniel Cohen dans La mondialisation et ses ennemis, 2005, fait remonter les premiers temps de la mondialisation à la découverte des Amériques. On a connu alors l’essor des flux de marchandises. Mais aussi, malheureusement, des flux de personnes avec les esclaves. Mais c’est à la fin du XIXe, début XXe qu’on assiste à une interdépendance forte des économies. C’est la période des colonies avec des flux de marchandises et de capitaux Nord-Sud très importants. Suzanne Berger, dans son ouvrage Notre première mondialisation, 2003, nous décrit alors un stade avancé d’interdépendance économique que nous venons juste d’égaler aujourd’hui. En effet, à partir de la Première Guerre mondiale, nous assistons à un long repli des économies qui se tournent vers des modèles protectionnistes, et ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le libre échange va reprendre et s’accentuer dans les années 80.
Quelles sont les caractéristiques de cette deuxième mondialisation ?
B. Les caractéristiques principales du commerce mondial actuel
La grande majorité des exportations concernent des marchandises. Parmi celles-ci, il y a principalement des produits manufacturés. Ils représentent 70 % des exportations de biens.
Pour autant, les exportations de services, notamment le transport, le tourisme, la finance, les conseils, les tâches de services routinières ne cessent d’augmenter, notamment depuis 1980. En 2019, elles représentent environ 24 % du commerce mondial.
Pour comprendre l’expansion incroyable du commerce mondial ces trente dernières années, il faut se pencher sur les penseurs qui sont à l’origine du « laisser faire ». Il s’agit bien sûr des économistes liés à la première puissance mondiale à l’époque, l’Angleterre.
II. Les fondements du commerce mondial
A. À l’origine de la spécialisation et des échanges
Le libre échange
Le libre échange est une politique commerciale qui vise à réduire tous les obstacles à la libre circulation des biens et des services
L’origine du libre-échange Il parait entendu, lorsqu’on est un producteur, que se protéger de la concurrence grâce à des barrières permet à court terme de réaliser plus de profit. Le libre échange ne va pas de soi. Il faut effectivement des arguments forts pour faire passer l’idée que le libre-échange est souhaitable. C’est donc toute la force des idées de David Ricardo (1772-1823) qui complétera la théorie des avantages absolus développée par Adam Smith. Monsieur Ricardo va montrer grâce à la théorie des avantages comparatifs les bienfaits du commerce international.
Le saviez-vous?
David Ricardo le trader
Ricardo comme son nom l’indique n’est pas d’origine anglaise. Ses parents sont portugais d’origine juive si bien qu’ils doivent quitter le pays. Ils se réfugient tout d’abord aux Pays-Bas beaucoup plus tolérants, puis ils traversent le Channel pour s’installer à Londres où va naître David Ricardo, le troisième d’une famille de 17 enfants! Abraham Ricardo, le père de Ricardo travaille à la Bourse de Londres . Dès 14 ans, David Ricardo va prendre son chemin. Mais il se brouille avec sa famille, monte sa propre activité de change et fait fortune.
Ricardo dans la pensée et la politique
Ils décident alors de se retirer des affaires pour se tourner vers la politique et la pensée économique. En 1819 il entre au Parlement après avoir acheté un siège de pair d’Irlande. Il va alors défendre avec ferveur le libre échange. Finalement ce n’est pas du hasard si le célèbre exemple de l’échange drap-vin, inventé par Ricardo pour illustrer l’avantage comparatif, se fait entre l’Angleterre et le Portugal!
La théorie des avantages comparatifs
La théorie des avantages comparatifs. On peut l’énoncer ainsi : une nation a intérêt à se spécialiser dans les productions où elle bénéficie du plus grand avantage comparatif, relatif, ou du plus faible désavantage comparatif. Reprenons le fameux exemple de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo avec le tableau synthèse* ci-dessous . Les chiffres représentent le nombre d’heures de travail nécessaires pour produire une unité de bien.
Angleterre | Portugal | |
Une pièce de drap | 100 | 90 |
Un tonneau de vin | 120 | 80 |
Total | 220 | 170 |
*selon les chiffres de David Ricardo dans Des principes de l’économie politique et de l’impôt (1817)
Ainsi, pour fournir du drap et du vin, l’Angleterre a besoin de 220 heures de travail, là où le Portugal n’en utilise que 170 heures, et le Portugal est plus productif aussi bien pour le vin que pour le drap. Le Portugal a un avantage absolu. Mais pourtant, Ricardo nous dit que l’Angleterre a quand même un avantage. Il utilise pour cela la notion de coût relatif, c’est-à-dire le coût d’un bien relativement à un autre bien. Ici, le coût de la fabrication du drap par rapport au vin et inversement.
Le coût relatif
Pour l’Angleterre, le coût relatif du drap en vin (100/120) est de 0,83, alors que le coût relatif du vin en drap est de 1,2 (120/100).
Pour le Portugal, cela donne coût relatif du drap = 1,125 unités de vin et coût relatif du vin = 0,89 unité de drap.
En conséquence, le drap coûte relativement moins cher à produire en Angleterre qu’au Portugal (0,83 < 1,125) et inversement, le vin est moins cher à produire dans un pays ensoleillé comme le Portugal.
La spécialisation
Il faut donc que l’Angleterre se spécialise dans la production de draps. En produisant 2 unités de draps, elle peut en garder 1 unité et échanger l’autre contre du vin. Le pays aura alors gagné 20 heures de travail (200 heures de travail pour obtenir du drap et du vin, contre 220 heures si l’Angleterre produit seule). Le Portugal est également gagnant. En produisant 2 unités de vin pour en garder une et échanger l’autre contre du drap, le pays gagne 10 heures de travail. Finalement, la spécialisation et l’échange profitent à tous les pays. L’échange est un jeu à somme positive, comme dira bien plus tard Krugman, l’économiste américain contemporain, prix Nobel d’économie.
Les dotations factorielles ou théorie HOS
La théorie implique donc la spécialisation du pays, c’est-à-dire une concentration des capacités de production sur un type de biens pour lequel sa compétence est la meilleure. Mais comment obtient-on des avantages comparatifs ? La théorie des dotations factorielles nous donne la réponse. Les économistes à l’initiative de cette théorie sont trois économistes importants, Heckscher, Ohlin et Samuelson (HOS). Qui sont-ils ? Il s’agit de 2 économistes suédois Eli Heckscher (1879/1952) et Bertil Ohlin (1899/1979) à l’origine de la théorie HO, complétée bien plus tard par l’économiste américain Paul Samuelson (1915/2009), célèbre professeur américain qui a formé de nombreux étudiants. La théorie des dotations factorielles part du constat que chaque pays est plus ou moins bien doté en facteur de production. Le coût de ces facteurs abondants ou rares va expliquer la disparité des prix et donc les différences entre les pays. Ils ont donc intérêt à se spécialiser dans la production qui utilise au mieux leurs facteurs de production. Ainsi, certains pays vont exploiter leurs réserves naturelles de matières premières, d’autres vont profiter de leur main d’œuvre peu chère ou d’autres pays plus développés vont profiter de l’atout d’une main d’œuvre très qualifiée.
Les dotations technologiques
D’autre part, on peut aussi expliquer le dynamisme du commerce international par des dotations technologiques différentes. Ainsi, grâce aux dépenses conséquentes en recherche et développement, les entreprises des pays développés vont bénéficier d’un niveau technologique plus important, ce qui va leur permettre de diffuser les innovations dans le monde. Ces innovations seront plus tard copiées par les pays en développement (PED), ce qui permettra une production plus abondante et moins chère, mais aussi moins bénéfique en terme de valeur ajoutée rapportée. Cela va donc inciter au lancement de nouveaux produits innovants. On repère alors des flux d’échange entre les pays qui sont cycliques.
Pour autant, on constate que beaucoup de pays économiquement comparables échangent beaucoup de biens relativement similaires. Comment expliquer cela ?
B. Le commerce entre pays comparables
L’entreprise française Renault exporte des voitures en Allemagne et, en retour, l’entreprise Opel exporte des modèles parfois similaires vers la France. Comment l’expliquer ?
La nécessité d’un autre modèle pour expliquer le commerce
Face aux impasses des modèles traditionnels pour expliquer certaines réalités, des économistes comme Krugman, économiste américain contemporain, ont bâti des modèles plus réalistes basés sur d’autres hypothèses. Les modèles économiques ne retiennent plus la concurrence pure et parfaite (CPP), mais on raisonne en concurrence imparfaite. En effet, l’hypothèse CPP ne permet pas de comprendre les échanges croisés, car s’il y a homogénéité des biens, une des cinq caractéristiques de la CPP (tu te souviens de ton cours de première 🙂 ), alors l’entreprise avec les meilleurs prix emporte le marché et il ne peut y avoir deux firmes concurrentes sur une même gamme. En revanche, on peut considérer des marchés en concurrence imparfaite.
La différenciation des produits
Les producteurs mettent alors en place une différenciation des produits, c’est-à-dire rendre différents les produits par rapport à ceux offerts par la concurrence. On peut ainsi apporter un caractère unique au produit grâce à des innovations, mais aussi grâce à l’emballage, l’apparence… D’autre part, on peut jouer sur les services qui accompagnent le produit. Par exemple, un Service Après Vente (SAV). Enfin, grâce à des techniques marketing de plus en plus rodées, que tu pourras apprendre si tu en as envie dans les Écoles de commerce, les entreprises façonnent une image du produit qui le rend unique. Nous distinguerons la différenciation horizontale et verticale.
Des produits de qualité
La différenciation horizontale des produits consiste à modifier les caractéristiques d’une même gamme de produit. En revanche, la différenciation verticale joue sur la qualité des produits. Les pays proposent alors des gammes différentes qui expliquent les échanges. Ainsi, pendant longtemps, les marques automobiles allemandes BMW et Mercedes se sont positionnées sur du haut de gamme. Mais d’autres marques ont aujourd’hui joue aujourd’hui sur le même créneau.
La fragmentation des chaînes de valeur
Les FMN décident de produire à l’endroit où les avantages comparatifs sont les plus intéressants. Par exemple, si l’avantage d’un pays est lié aux bas coûts de la main d’œuvre, alors les entreprises dans des secteurs à faible valeur ajoutée peuvent délocaliser. Par contre, si une entreprise veut profiter du fort potentiel du capital humain dans un secteur à forte valeur ajoutée, comme la mode ou encore les produits high-tech, elle implantera une filiale dans un pays développé. Ainsi, les FMN décomposent les activités de production en un ensemble de sous-activités qui permettent de dégager de la compétitivité. L’économiste contemporain américain Michael Porter a appelé cela la chaîne de valeur et cela donnera alors la fragmentation de la chaîne de valeur. Les entreprises localisent chaque étape du produit dans un pays différent pour profiter des avantages comparatifs de chaque pays .
III. Les firmes multinationales et la chaîne de valeur
Les firmes multinationales (FMN) sont des entreprises qui ont des filiales à l’étranger. La fragmentation de la chaine de valeur a permis aux entreprises de s’internationaliser… Michael Porter distingue quatre étapes.
L’internationalisation de la chaine de valeur
La définition du produit. Pour créer, innover, tester, il faut des centres de recherche et des travailleurs qualifiés souvent liés aux pays développés.
La fabrication du bien. Cette phase du processus de production peut se faire bien souvent dans les pays où le coût de la main-d’œuvre est moins cher. Cela engendre soit des délocalisations, soit des sous-traitances avec des firmes implantées dans les pays moins développés.
La logistique. Cela concerne le transport du produit, le stockage. Cela nécessite des emplois spécialisés, comme par exemple les futurs étudiants qui poursuivent en BUT logistique
La distribution Il s’agit ici d’adapter le produit au marché national ou local. Cela nécessite de positionner le produit, de le différencier, de lui donner une image de marque, etc. C’est un secteur à haute valeur ajoutée qui intéresse le marketing, la publicité, l’événementiel…
Les Investissements Directs à l’Étranger
L’internationalisation de la chaîne de valeur se constate notamment par l’augmentation des Investissements Directs à l’Étranger (IDE). Un IDE, c’est lorsqu’une entreprise achète au moins 10 % du capital social d’une entreprise étrangère. Ainsi, les étapes de production réparties entre plusieurs pays obligent les firmes à réaliser des IDE soit dans les pays moins développés pour produire, soit dans les pays plus développés pour créer, innover, distribuer…
Il est temps maintenant de montrer les liens entre la compétitivité des firmes qui procurent des avantages aux États qui peuvent ainsi favoriser les exportations.
IV. La productivité des firmes sous-tend la compétitivité d’un pays.
La productivité
La productivité définit le rapport entre la quantité produite et le volume de facteurs de production utilisés. Ainsi, un agriculteur qui utilise des machines agricoles modernes aura une forte productivité, ce qui ne sera pas le cas pour celui qui ne possède aucun outil. On comprend donc que grâce à une productivité élevée, les entreprises pourront soient dégager des marges plus importantes et investir pour le futur, soient baisser les prix. On comprend ainsi que la force d’une bonne productivité, c’est que cela permet une bonne compétitivité c’est-à-dire la capacité à faire face à la concurrence. Au niveau d’une économie nationale, cela signifie donc la capacité à exporter. En effet, si les entreprises nationales sont productives et performantes, elles sont capables d’affronter la concurrence internationale, et donc le pays exporte.
On doit rappeler à ce stade qu’il existe deux formes de compétitivité.
La compétitivité prix
La compétitivité prix c’est la capacité à proposer sur le marché des produits à des prix inférieurs aux concurrents. Ainsi, à partir des années 70, les firmes ont délocalisé vers les pays moins développés pour profiter notamment des faibles coûts du travail. Le coût horaire du travail est alors un critère déterminant. Mais au delà du coût du travail, il faut prendre en compte la productivité du travail. En effet, un travailleur bien rémunéré peut produire beaucoup, car il s’est manipulé, par exemple, les machines adéquates. Si bien que des travailleurs qui coûtent cher peuvent apporter une richesse économique importante aux entreprises. Le critère important est alors le coût salarial unitaire qui correspond au coût salarial par unité produite. Ainsi, même si le coût du travailleur est élevé, si sa productivité horaire est importante, alors le coût salarial unitaire est satisfaisant.
La compétitivité hors prix
La compétitivité hors-prix ou structurelle signifie, pour une firme, garder ou augmenter les parts de marché grâce à d’autres stratégies que le prix. Par exemple, en jouant sur la qualité du produit, la notoriété, la différenciation du produit, les options, les innovations. Cela concerne ainsi les firmes innovantes des pays développés qui sont attractives du fait d’un potentiel important en capital humain permettant une forte productivité. En retour, il est du domaine de l’État de proposer des institutions fiables, capables notamment de former les travailleurs, d’attirer les travailleurs qualifiés, mais aussi les firmes ou les filiales. Ainsi, l’État doit proposer un environnement satisfaisant le développement des firmes.
Par conséquent, plus un pays permet aux entreprises de dégager des profits grâce à des productivités élevées, plus le pays sera considéré comme compétitif.
Nous avons vu les acteurs du libre échange et les avantages pour les pays. Pour autant, nous entendons de plus en plus parler de retour du protectionnisme. Rentrons dans le débat.
V. Les effets induits du commerce mondial
Le libre échange sera considéré, après la Seconde Guerre mondiale, comme le moyen de ne pas retomber dans le marasme économique de l’après 1929. Ainsi, le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) adopté en 1947 par 23 pays avec l’objectif de réduire les tarifs douaniers s’est généralisé et il a finalement donné place en 1994 à l’Organisation Mondiale du Commerce (en anglais World Trade Organisation) qui se charge des règles du commerce international pour 164 membres ou pays depuis 2016. Le siège de l’OMC se trouve à Genève.
A. Les effets positifs du commerce mondial
Un optimum de production
Rappelons que le commerce international permet à chaque économie de se spécialiser dans les activités pour lesquelles elles possèdent un avantage comparatif. Ainsi, selon les théories traditionnelles du commerce mondial, un optimum de production va s’établir pour toutes les économies qui s’intègrent au commerce mondial.
D’autre part, nous rappelons que le libre échange se traduit par une concurrence exacerbée entre les économies nationales, nous comprenons que les bienfaits attendus sont ceux décrits par les économistes néo-classiques déjà évoqués en spécialité SES en première. Grâce à une concurrence mondiale, les offreurs sont incités notamment à baisser les prix.
Des consommateurs satisfaits
Nous savons ainsi que le libre échange procure des bienfaits pour les consommateurs. À toi de montrer tes connaissances en utilisant les termes de première 🙂 L’augmentation de l’offre va induire une augmentation du surplus du consommateur. De plus, la concurrence permet une baisse du prix des biens et des services, ce qui va libérer du pouvoir d’achat, ce qui va pouvoir permettre le développement de nouveaux marchés grâce à la demande des consommateurs. Dès lors, on retrouve le cercle vertueux porteur de plus de production, d’emplois et de consommation et d’investissement. Nous savons aussi que le libre échange permet aux consommateurs de profiter d’une variété plus importante de biens et de services.
Des producteurs qui profitent de moindres coûts
Du côté des producteurs, un marché international permet une baisse des prix des matières premières ou du capital physique ou encore une meilleure qualité grâce à une concurrence accrue. De plus, la mondialisation du marché permet de réaliser des économies d’échelle. En effet, une production plus massive permet de réduire les coûts de production. Ainsi, les baisses de coûts réalisées par unité produite peuvent alors se traduire, soit par une baisse des prix favorisant les consommateurs, soit par une augmentation des profits si l’entreprise bénéficie d’une rente de monopole.
Enfin, le commerce international va profiter aux producteurs qui vont pouvoir bénéficier des transferts de technologie qui permettent de produire avec plus de performance.
Une baisse des inégalités
Au niveau social, rappelons les bienfaits théorisés par l’économiste américain du siècle dernier, Samuelson : si les pays se spécialisent selon leurs facteurs de production, alors, le taux de profit devra s’ égaliser partout. En effet, au bout d’un certain temps, les entreprises des pays bien dotés en facteurs de production dominent le marché et vendent à des taux de profit qui leur permettent en retour d’acheter les autres produits. Ainsi, à terme, le pouvoir d’achat des travailleurs devra s’égaliser dans tous les pays. Effectivement, beaucoup de pays en développement ont connu une croissance forte du PIB par habitant, ce qui réduit les inégalités tant en terme de revenus que d’accès aux soins ou à l’éducation. La Chine, par exemple, a mis en place une politique de promotion des exportations basée sur un facteur travail abondant. Cela a permis une forte augmentation du pouvoir d’achat moyen en Chine.
Mais …
B. Les conséquences négatives du commerce mondial
Certains travailleurs des pays développés vont être directement en concurrence avec des travailleurs des pays moins développés qui se développent. Notamment les emplois dans les secteurs d’activité en concurrence avec les pays où le coût de la main-d’œuvre est moins cher. Cela va se traduire par des délocalisations ou des transferts d’activités du pays d’origine vers un autre pays. Des secteurs entiers vont connaître des pertes d’emplois considérables. Tu peux penser au textile par exemple. Des régions entières en France vont connaître des pertes d’emplois massives. Usines de filature à Lille ou à Roubaix, usines de bonneterie à Troyes, usines de toiles et de draps dans les Vosges, canuts de Lyon, brodeuses bretonnes…
Une augmentation des inégalités au sein des pays
Inutile de préciser que les actifs au chômage vont alors connaître une forte baisse du pouvoir d’achat. Alors que d’autres, ceux qui gèrent la production au niveau mondial, vont voir leurs revenus augmenter. Ainsi, le commerce international induit une augmentation des inégalités au sein des pays.
Moins de protection sociale
Plus globalement, face à la concurrence exacerbée, les pays vont exercer des pressions à la baisse des avantages pour rester compétitifs vis-à-vis de l’extérieur. Cela se traduit par des politiques de flexibilité visant à réduire les coûts, des remises en cause des droits sociaux pour limiter les cotisations sociales. Ces mesures sont à l’origine de nombreux conflits dont nous nous faisons l’écho dans le thème 9 Le conflit social.
En résumé, d’un côté, certains travailleurs en concurrence vont connaître la précarisation, alors que ceux qui organisent ce commerce mondial et les travailleurs qualifiés des pays développés, qui profitent de ce commerce mondial, vont connaître des augmentations de revenus conséquentes en moyenne.
Face à cette bipolarisation de la société qui peut être vecteur de tensions sociales, certains économistes et hommes politiques mettent en avant le protectionnisme.
VI. Le protectionnisme en question
Le protectionnisme représente les mesures prises par un gouvernement pour empêcher ou limiter les importations de biens et de services.
L’Europe et les États-Unis menacent souvent d’appliquer des barrières douanières face à la concurrence déloyale que se livre l’un ou l’autre. Qu’en est-il exactement ? Peut-il y avoir du protectionnisme alors que les organismes internationaux prônent la libre concurrence ?
A. Différentes formes de protectionnisme
Comment peut-on limiter certaines importations qui concurrencent l’industrie ou plus globalement l’économie locale ?
Le protectionnisme tarifaire
Cela correspond aux taxes sur les produits importés. Cependant, les règles de l’OMC limitent ce protectionnisme, sans pour autant l’interdire. L’OMC autorise notamment certaines protections tarifaires exceptionnelles en cas de dumping, c’est-à-dire une concurrence déloyale, car on vend à perte ou lorsque des importations massives déstabilisent fortement la production intérieure. Pour ne pas subir les sanctions de l’OMC, un protectionnisme tarifaire offensif plus subtil s’est mis en place.
Le protectionnisme tarifaire offensif
On favorise le marché en faussant le marché. Le pays peut subventionner certaines productions ou encore plus subtilement aider un secteur en engageant des dépenses nationales qui normalement doivent être supportées par les entreprises du secteur. C’est par exemple les subventions qui avantagent la production nationale. La compagnie américaine Boeing et européenne Airbus s’accusent mutuellement d’obtenir des subventions, ce qui fausse la concurrence. On peut également réaliser une manipulation du taux de change. La Chine, par exemple, contrôle son taux de change en rendant artificiellement le yuan plus bas que ce qu’il vaudrait réellement en laissant faire les forces du marché de la monnaie. Cette technique permet de garder des produits chinois à un prix extrêmement avantageux au détriment des autres pays.
Le protectionnisme non tarifaire
Au-delà du protectionnisme tarifaire, il est de plus en plus question de protectionnisme non tarifaire. Il existe un protectionnisme tarifaire quantitatif lorsqu’un pays applique des quotas d’importations. Ainsi, les pays de l’Union Européenne peuvent exercer des menaces sur les importations de textiles à bas coûts chinois. Mais le protectionnisme non tarifaire est surtout qualitatif. Il est plus insidieux, plus difficile à cerner et donc plus subtilement utilisé par les pays qui prônent ouvertement la libre concurrence, mais mettent en place des mesures protectionnistes. Nous allons donner ci-dessous différentes formes de protectionnisme non tarifaire qualitatif :
→ Le pays peut exiger des licences d’importation.
→ Le pays ou la zone régionale, peut mettre en place des normes très strictes qui permettent de limiter les importations. On peut mettre en place des normes de sécurité, des normes de qualité, des normes éthiques, des normes environnementales.
Les exemples sont multiples. L’Union Européenne se protège contre l’importation de produits fabriqués par des enfants provenant de pays en développement. Ou encore, l’Union Européenne interdit l’importation de produits agricoles OGM, ce qui la protège notamment de nombreux produits agricoles américains. Ces normes, parfois extrêmement complexes selon les pays, nécessitent souvent des experts. Pense à cela pour ta poursuite d’études.
Tu viens de voir que les États n’acceptent pas aveuglément la concurrence étrangère, et parfois hypocritement, c’est-à-dire à l’encontre du discours officiel, mettent en place un grand nombre de mesures pour protéger leur économie locale. Mais est-ce un mal ?
B. Justifier le protectionnisme ?
C’est un sujet classique du Bac. Regarde ICI si tu veux.
Le protectionnisme permet de protéger l’économie du pays et notamment les emplois contre l’arrivée de produits de l’étranger ou en favorisant les exportations du pays. Or, historiquement, certains pays comme l’Allemagne ou les États-Unis ont mis en place des politiques protectionnistes, en le justifiant. Nous allons voir le protectionnisme éducateur de Friedrich List (1798-1846).
Le protectionnisme éducateur
Friedrich List est un économiste allemand à l’origine du Zollverein, l’union douanière entre les États allemands. C’est à la suite de son séjour aux États-Unis qu’il développera sa théorie ! Cet économiste considère qu’un pays moins avancé que les autres doit protéger ses « industries naissantes ». En effet, nous savons que, dans un premier temps, les coûts de production sont plus élevés, car il n’y a pas encore le phénomène d’économie d’échelle. En d’autres termes, il est nécessaire de protéger les secteurs nouveaux de l’économie du pays, sinon les entreprises seraient étranglées par la concurrence étrangère. Après la période de « protectionnisme éducateur » propice au développement, le pays pourrait alors s’ouvrir au libre échange.
Beaucoup de pays, aujourd’hui développés, ont suivi ce principe. Nous pouvons prendre l’exemple, bien sûr, de l’Allemagne du XIXe, mais aussi des États-Unis ou du Japon. Plus près de notre période, nous pouvons évoquer le développement très contrôlé de Taïwan ou encore de la Chine populaire.
Un nouveau protectionnisme
En France, l’historien et penseur Jean-Marcel Jeanneney préconisait un « nouveau protectionnisme à l’échelle européenne ». Selon lui, les nombreux secteurs ouverts à la concurrence étrangère, ne sont pas compétitifs, car notre protection sociale plus avancée, pèse d’un poids plus important sur le coût du travail. Les entreprises européennes implantées ici ne sont donc plus compétitives et délocalisent ou font pression à la baisse sur le coût du travail. Cette pression continuelle orchestrée par l’ensemble des producteurs européens qui subissent la concurrence étrangère limite le pouvoir d’achat qui est pourtant l’élément clé de la croissance économique.
Il existe aussi d’autres justifications du protectionnisme :
Un protectionnisme temporaire
L’économiste britannique keynésien, Kaldor (1908/1986) avance ainsi qu’il peut être nécessaire de protéger temporairement des industries vouées à disparaître afin de permettre de laisser du temps aux forces économiques de se repositionner dans des secteurs plus porteurs. En France, l’exemple typique concerne la région Lorraine qui bénéficia dans les années 80 de vastes subventions pour trouver de nouvelles perspectives face au déclin de l’industrie sidérurgique.
Un protectionnisme politique
Un argument politique ou géostratégique. Certaines activités peuvent être considérées comme essentielles et se doivent donc de rester nationales. Cela concerne en tout premier lieu le secteur de la défense, mais également de nombreuses autres activités sensibles. Exemples : le domaine énergétique, les transports, la santé, l’éducation…
Un protectionnisme pour des raisons environnementales
Avec la crise majeure du réchauffement climatique, les politiques doivent se tourner vers le moins polluant. Or le développement du commerce international rentre en contradiction avec cela. On parle de plus en plus de consommation locale, de développer les circuits courts, etc. Nous sommes ici dans le domaine d’une économie plus éthique. Chaque citoyen agit et est alors l’acteur principal !
C. Le protectionnisme : c’est le risque du repli
À terme, le protectionnisme peut nous empêcher de profiter des bienfaits du libre-échange et des gains à l’échange. Ainsi, les prix seront plus élevés pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs qui ne pourront pas bénéficier des meilleurs prix de consommation intermédiaire. Le pouvoir d’achat des ménages va donc baisser et cela limitera le développement d’emplois dans d’autres secteurs.
De plus, si chaque pays met en place des mesures protectionnistes, nous rentrons dans un cercle infernal où par ricochet chaque zone économique va mettre en place des mesures de rétorsion. C’est ce schéma dépressionnaire des années 20 qu’il faut éviter.
Conclusion
Nous arrivons au terme de cet article consacré au commerce et production internationale. Cela nous a permis de comprendre finalement l’intérêt du libre échange. Il permet de développer de nouveaux marchés, de libérer du pouvoir d’achat, mais il est aussi porteur d’angoisse et de problèmes sociaux, car les menaces concurrentielles sont plus grandes. Le protectionnisme peut alors être une solution à court terme, mais à terme peut devenir un risque pour la croissance économique et le développement.
Pour vérifier tes connaissances :
QCM (entre 0 et 3 réponses possibles)
Corrigé à la fin de l’article.
1) La théorie HOS est :
a. antérieures à la théorie des avantages comparatifs
b. postérieures à la théorie des avantages comparatifs
c. développe la théorie des dotations technologiques.
2) Les firmes des pays comparables :
a. ne cherchent pas à échanger.
b. pratiquent des échanges intra-branches.
c. échangent des produits différenciés.
3) La fragmentation internationale de la chaîne de valeur
a. permet aux firmes de tirer avantage sur des activités spécifiques de production.
b. explique une plus grande interdépendance des économies.
c. explique une moins grande interdépendance des économies.
4) La compétitivité d’un pays
a. se mesure par la capacité à faire face à la concurrence.
b. dépend de la productivité des firmes du pays.
c. peut dépendre de la compétitivité-prix ou hors-prix.
5) Le commerce international
a. ne produit que des avantages.
b. permet une augmentation du pouvoir d’achat.
c. réduit en principe les inégalités entre pays.
6) Le protectionnisme
a. peut se justifier dans certains cas.
b. permet de protéger les industries naissantes.
c. permet une augmentation du commerce.
7) Cela illustre différentes formes de protectionnisme.
a. la baisse des taxes douanières.
b. la mise en place de licences d’importation
c. la mise en place de normes environnementales et sociales strictes
MAJ juin 2024 @ Philippe Herry
Corrigé du QCM
1) b.
2) b. c.
3) a. b.
4) a.b. c
5) b. c
6) a. b.
7) b. c