Les crises financières et la régulation du système
Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ! Cet adage populaire, chargé de bon sens, devrait être gravé dans toutes les salles de marché. La volonté de gagner toujours plus est à l’origine des bulles spéculatives qui éclatent invariablement un jour, entraînant une crise réelle. La connaissance du processus permet-elle alors la mise en place d’une régulation efficace ? Analysons tout cela.
Les notions du programme à maîtriser : bulle spéculative, faillite en chaîne, comportement mimétiques, prophétie auto réalisatrices, effet de richesse négatif, collatéral, vente forcée, aléa moral, ratio de solvabilité.
I. Analyse des crises financières
Qu’est-ce qu’ une crise financière ?
Une crise financière est une déstabilisation brutale du système financier qui va se transmettre à l’économie réelle. Elle peut provenir d’une crise boursière ou d’un krach boursier (comme en 1929). Ou bien elle est due à une crise bancaire (comme en 2008). Enfin, il peut s’agir d’une crise de change (Argentine actuellement ou…). Ces trois types de crise se combinent. Les conséquences sont plus ou moins importantes selon les réactions des pouvoirs publics.
On peut considérer quatre grandes caractéristiques : l’effondrement boursier, les faillites en chaîne, la chute du PIB et l’accroissement du chômage.
A. Regard sur la crise des années trente, la Grande Dépression
La Grande Dépression
Une dépression est une chute importante et durable de l’activité économique. Ainsi, en 1929, après le jeudi et le lundi noir d’octobre 1929, les prix des valeurs boursières ont chuté de plus de 80 % sur trois ans. Il s’agit bien d’un effondrement boursier avec les graves conséquences que cela entraîne. Certains agents économiques, des ménages ou des entreprises, sont ruinés. Cela s’explique notamment par le fait que pendant l’euphorie boursière, certains réalisent des emprunts pour placer cet argent. Avec la chute des valeurs, ils sont incapables de rembourser les emprunts. De plus, les entreprises sont obligées de racheter leurs titres pour éviter la baisse des cours et perdre beaucoup d’argent.
Le mécanisme de cercle vicieux
D’autre part, les mécanismes de cercle vicieux accélèrent la crise. Les entreprises et les ménages n’investissent plus. Je te rappelle que les ménages investissent dans l’immobilier, notamment. Ce phénomène d’attentisme de la demande réduit fortement la production et, inévitablement, les conséquences sont la baisse du PIB et le chômage. Ainsi, aux États-Unis, le chômage a été multiplié par dix, passant de 1,5 million de chômeurs à 15 millions entre 1929 et 1932. Puis l’interdépendance des économies fait que la crise s’internationalise.
B. Regard sur la crise de 2008, la Grande récession
Le terme récession a plusieurs sens. On peut considérer que la récession économique caractérise un ralentissement de l’activité économique, mais pour s’aligner sur la définition des États-Unis, on considère que la récession est le « recul temporaire de l’activité économique », comme le précise l’INSEE sur son site.
La crise des subprimes de 2008 s’est alors traduite par un recul temporaire du PIB et un taux de chômage qui a augmenté temporairement.
Revenons sur les phénomènes repérés, bulle spéculative, panique bancaire et faillite bancaire, pour mieux les analyser.
II. Comment se forme une bulle spéculative ?
La bulle explose
Un marché connait une bulle spéculative lorsque les prix d’un actif (les actions ou encore les titres immobiliers…) s’éloignent du prix d’équilibre lié aux variables économiques fondamentales.
Dans un premier temps, lorsque les prix augmentent, les agents économiques continuent à spéculer, car la croyance en une plus-value future incite à acheter. Nous assistons alors à une euphorie spéculatrice, puisque l’espoir de revendre les titres achetés à un prix plus élevé alimente la spéculation. La bulle finit par exploser lorsque les agents se rendent compte que les prix sont artificiellement élevés, et donc les agents vendent en masse, ce qui fait baisser les prix.
Le comportement mimétique
On peut dire que la bulle spéculative naît du comportement mimétique c’est-à-dire que les agents économiques imitent le comportement des autres agents économiques. Ainsi, lorsque le prix augmente, alors normalement la demande baisse, mais lorsqu’il y a une euphorie spéculative, alors par mimétisme les agents vont acheter, car les autres agents achètent et donc la demande continue à augmenter.
Le célèbre Keynes parlait pour cela du concours de beauté dans son ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936).
La prophétie auto réalisatrice
Le phénomène de bulle spéculative est accentué par la prophétie autoréalisatrice ou anticipation autoréalisatrice. Lorsque des agents économiques considèrent des situations comme réelles, alors elles deviennent réelles dans leurs conséquences. Ainsi, si les agents économiques pensent que les cours d’actifs vont continuer à augmenter, alors la demande augmente, ce qui contribue à l’augmentation des cours. Une bulle spéculative va alors se créer. Autre exemple ; si les entreprises pensent que la croissance va être bonne, alors elles investissent et effectivement, cela dynamise la croissance.
Je te laisse penser quelque peu aux répercussions de cette idée dans différents domaines et notamment en psychologie. Si vous pensez rationnellement que vous êtes le meilleur, alors vous pouvez gagner. On sait aujourd’hui en effet que l’estime de soi est un ressort du succès.
III. Les paniques bancaires et faillites bancaires en chaîne
Lorsqu’une bulle explose, alors le prix de nos actifs baisse (le prix des maisons, des titres boursiers ou autres) et cela précipite les paniques bancaires et la faillite bancaire. Comment ?
Le Bank run
Une banque, comme toute autre entreprise en difficulté, est en défaut de paiement ou faillite lorsqu’elle n’est plus en capacité d’honorer ses engagements. Concernant les banques, cela signifie qu’elles sont alors incapables de rembourser les éventuels emprunts, mais également qu’elles sont incapables de fournir les liquidités demandées par les clients. En effet, lorsque les clients manquent de confiance, ils souhaitent retirer l’argent placé sur leurs comptes. Ce phénomène de Bank run est accentué par le fait qu’il y a asymétrie d’information.
Quand le doute t’habite
Les ménages manquent d’informations sur la santé réelle de la banque. Dans le doute, ils préfèrent retirer l’argent placé sur leurs dépôts bancaires. Or les banques ne possèdent qu’un faible pourcentage de cet argent en liquidité. Les interrelations entre les banques font que la faillite d’une banque entraîne celle des autres banques. C’est la faillite bancaire en chaîne.
IV. De la crise financière à la crise réelle
Par quel mécanisme ou canaux se transmet la crise financière à la crise réelle ? On va retenir trois mécanismes économiques.
La contraction du crédit ou credit crunch.
Il existe une asymétrie d’information dans toute situation de crédit. Or, en cas d’instabilité financière, il y a une perte de confiance, donc une contraction du crédit. Cela va donc affecter la demande d’investissements et de consommations, et donc par ricochet la production qui sera moindre.
L’effet de richesse négatif
Effet de richesse négatif ? La dévalorisation des actifs immobiliers, boursiers se traduit mécaniquement par un effet de richesse négatif ou effet patrimoine. En conséquence, la variation de la valeur des actifs d’un agent l’incite à modifier la demande de biens de consommation et d’investissement.
En effet, lorsque la valeur du patrimoine diminue alors la demande baisse. (et inversement) Donc, lorsque par exemple une bulle spéculative éclate, les ménages consomment moins et investissent moins dans l’immobilier.
La baisse du prix du collatéral et la vente forcée
C’est quoi un collatéral ? Un actif offert en garantie lors d’une opération de crédit. Par exemple, l’hypothèque de la maison ou de l’appartement lorsqu’on demande un emprunt auprès d’une banque. Mais si le prix du collatéral baisse alors les banques accordent moins de crédits puisque le collatéral ne permet plus de garantir la somme demandée. D’autre part, les agents qui ont réalisé des emprunts peuvent avoir des difficultés à rembourser les emprunts. Ils doivent alors automatiquement procéder à la vente forcée d’actifs. S’ils sont nombreux à vendre, alors cela accentue la spirale déflationniste. C’est exactement ce qui s’est passé avec la crise des subprimes. Les Américains peu favorisés qui avaient bénéficié des crédits subprimes, ne pouvaient plus rembourser les emprunts. Ils ont massivement vendu leurs biens immobiliers, accentuant ainsi la crise et la détresse de nombreuses familles.
V. Les moyens de régulation du système bancaire et financier
A. L’aléa moral
C’est quoi ?
Ce terme a déjà été vu en première, notamment dans le thème Défaillance de marché. L’aléa moral traduit le changement de comportement d’un individu qui se sait assuré contre un risque. Par exemple, une personne qui prend une bonne assurance, va alors prendre plus de risque qu’avant. De même, sur le marché du travail, ce serait le cas du travailleur qui obtient un Contrat à Durée Indéterminée (CDI) et qui alors n’aurait plus le même comportement face au travail demandé. Face à la sécurité de l’emploi, le travailleur changerait pour devenir plus paresseux face au travail. Qu’en est-il de l’aléa moral dans le domaine bancaire ?
L’aléa moral pour les banques
Il s’agit tout simplement de l’idée qu’une grande banque ne peut pas disparaître sans que les pouvoirs publics tentent de la sauver. En effet, laisser une grande banque faire faillite pourrait provoquer des faillites en chaîne qui mettraient en péril le système financier et, par voie de conséquence, l’économie réelle. Les grandes banques sont donc amenées à penser qu’en cas de difficultés, les pouvoirs publics, l’État ou encore la Banque Centrale Européenne, par exemple, devront les secourir. Too big to fail. Ainsi, les grandes banques, se pensant protégées, n’hésiteraient pas à prendre des risques dans l’accord des prêts aux agents économiques. Les pouvoirs publics doivent donc réagir pour réguler le système bancaire. Il faut réduire l’aléa moral des banques.
B. Réduire l’aléa moral des banques
Pour éviter la prise de risques par les banques commerciales, la Banque Centrale Européenne surveille et sanctionne les banques qui ne respectent pas les règles financières édictées pour les membres de l’Union européenne. Nous allons tout d’abord nous pencher sur le fonctionnement de la supervision bancaire, puis nous verrons les règles reliées au ratio de solvabilité.
La supervision bancaire
Je t’incite à faire un petit tour sur le site de la BCE pour repérer les fondements du système. Suite à la crise de 2008, la Banque centrale amis en place un Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) pour surveiller les banques et les obliger à détenir les fonds propres minimum exigés par les accords de Bâle III c’est à dire le dispositif règlementaire international pour les banques qui a été mis en place après la crise de 2008. De plus, un Mécanisme de Résolution Unique (MRU) est chargé de résoudre le problème des banques défaillantes. Le fond est abondé par des contributions obligatoires apportées par les banques commerciales.
Le ratio de solvabilité
Concernant le ratio de solvabilité ( Fonds propres / Actifs pondérés par les risques) il est exigeant ce qui oblige les banques commerciales à avoir des fonds propres conséquents Des tests de résistance bancaire , stress test, sont réalisés régulièrement pour vérifier si l’assise des banques est suffisante.
Conclusion
Ce chapitre nous a permis d’entrevoir les arcanes du système financier. Tu connais maintenant les mécanismes qui font grossir et éclater la bulle spéculative. Il n’est pas évident de se prémunir contre des phénomènes sociaux comme les comportements moutonniers qui créent des prophéties autoréalisatrices. Pour se prémunir contre les risques de faillites bancaires en chaîne, le système bancaire régule le système avec des normes plus strictes qu’auparavant.
MAJ juin 2024 @ Philippe Herry