I. Les acteurs de la question environnementale
A. des acteurs multiples
Face à la menace que fait mener l’homme sur la nature, plus personne (ou presque) ne conteste l’obligation d’agir pour préserver l’environnement. L’environnement peut être caractérisé par « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espaces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent ». (Loi Barnier 1995). Les acteurs qui agissent pour préserver l’environnement sont divers. Il y a les associations, et les Organisations Non Gouvernementales. Mais aussi les entreprises et les syndicats, les partis politiques, les mouvements citoyens. Voire encore les groupes d’intérêt, les médias, les experts et bien sûr les pouvoirs publics. Ce dernier comprend les collectivités locales, la nation et les institutions supranationales comme l’Europe ou encore les accords internationaux. L’interaction entre les différents acteurs va être à l’origine de la construction du problème public.
B. la construction du problème public
Cela passe par différentes étapes comme l’enseigne le politiste français contemporain Patrick Hassenteufel.
L’identification d’un problème est porté par ceux qu’on appelle les entrepreneurs de cause, autrement dit ceux qui identifient une situation, un comportement pouvant être problématique.pour la sphère publique
Le cadrage est souvent l’espace des experts qui vont définir la nature du problème, les causes, les effets et les actions possibles.
La justification du problème est porté par de multiples acteurs, associations, syndicats, partis politiques, scientifiques, …. qui mettent en avant la gravité du problème
La popularisation via les médias notamment va imprégner la société de ce nouveau problème public
La mise en politique publique provient alors de l’interaction des différents acteurs qui vont convaincre les pouvoirs publics d’inscrire le problème à l’ordre du jour politique. C’est ce qu’on appelle la mise à l’agenda politique.
On comprend alors que l’action publique qui désigne les activités des autorités publiques a été construite par un jeu d’acteurs multiples.
C. des acteurs entre conflits et coopérations
Il est intéressant ici de s’intéresser à un problème spécifique, comme par exemple le rôle de l’énergie nucléaire, le réchauffement climatique, la fonte des glaces, l’utilisation des pesticides… pour comprendre que les acteurs multiples que nous avons vu ci-dessus peuvent être en conflit ou en situation de coopération.
Ainsi les citoyens peuvent se regrouper, notamment au niveau local en associations. Ils peuvent alors participer avec les pouvoirs publics ou les entreprises à des projets permettant de préserver l’environnement. Il s’agit alors d’une coopération de multiples acteurs
Par contre face au sentiment d’inaction des pouvoirs publics, les citoyens peuvent se mobiliser dans une logique conflictuelle. Ils utilisent alors plusieurs répertoires d’actions collectives comme la pétition, la manifestation, l’action judiciaire voire même la désobéissance civile c’est à dire une action illégale pour dénoncer le manque d’actions de l’État.
II. Une action environnementale du local au global
A. Le glocal , c’est quoi ?
Ce néologisme permet de comprendre conscience que l’action sur la nature se joue sur deux niveaux. Au niveau global avec les accords internationaux et les actions des décideurs publics. Mais également au niveau local, dans notre vie de tous les jours notamment.
Le Sommet de la Terre à Rio en 1992 qui réunissait 182 chefs d’États, c’est le niveau global. C’est la première rencontre d’envergure mondiale sur le thème du développement durable. La définition canonique du développement durable c’est : un développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Le premier sommet de la Terre s’empare de la définition en 1992. Puis on la formalise en 2000 avec les « Objectifs du millénaire pour le développement » sous la formule des 3P, People, Planet, Profit. Cela laisse présager 3 dimensions :
C’est lors de ces rencontres qu’a été adopté l’Agenda 21. C’est le niveau local. Ainsi, les collectivités territoriales,sont invitées à mettre en place, à leur échelle, les mesures visant au développement durable. Dans chaque pays des structures de travail vérifient la mise en place des mesures et les résultats. Cela peut-être très concret. Par exemple, certains collèges ou lycées ont développé leur Agenda 21 autour de la gestion des déchets, des repas biologiques à la cantine, etc.
B. Le Protocole de Kyoto : un accord top-down
Pour lutter plus spécifiquement contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, on fait référence au Protocole de Kyoto de 1997. Ce Protocole est adopté aujourd’hui par plus de 189 pays. II vise à réduire de 5% par rapport au niveau de 1990, les émissions de six gaz à effet de serre dont le dioxyde de carbone. Le Protocole de Kyoto obéissait alors à une approche descendante ou pour utiliser l’anglicisme top-Down. Cela signifie que l’engagement international est ratifié par les pays et chaque pays s’efforce alors de respecter l’engagement.
C. L’accord de Paris : un accord bottom-up
A contrario, la COP 21 ou Accord de Paris de 2015, dont l’objectif affiché est de lutter contre le réchauffement climatique en s’efforçant de limiter le réchauffement à 2° voire 1,5° d’ici 2100, obéit à une approche ascendante ou bottom-up. Chaque pays annonce sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Par la suite on révise éventuellement les objectifs à court et moyen terme pour répondre à l’objectif final de lutte contre le réchauffement climatique.
III. Les dysfonctionnements de l’action publique pour l’environnement au niveau mondial
Les accords internationaux permettent d’agir d’un commun accord pour lutter contre une pollution collective qui affecte toute la planète. Cela correspond au diction populaire : nous sommes tous embarqués sur le même bateau. Mais la lutte de tous les pays ne va pas de soi. Il y a des passagers clandestins et aussi des inégalités de développement qui engendrent des conflits entre Pays Développés et Pays en Développement.
A. Le climat : un bien public mondial
Le cours de première a permis de définir bien collectif ou public. C’est un bien non rival, non exclusif .
remarque: bien collectif = bien public – public est un anglicisme qui signifie collectif –
exclusif | non exclusif | |
rival | privé | bien commun
ou bien collectif impur |
non rival | bien de club ou bien collectif impur | bien collectif pur |
NB: la notion d’exclusivité soulève notamment la possibilité technique d’exclure
bien collectif pur -> les 2 caractéristiques sont présentes
bien collectif impur -> une caractéristique est présente. Soit la non rivalité, soit la non exclusivité.
Le climat est assimilé à un bien public mondial. En effet, nous ne pouvons empêcher un être humain de profiter ou malheureusement trop souvent aujourd’hui de subir le climat. Donc le climat est non exclusif. D’autre part, notre ‘consommation’ du climat, n’empêche pas une autre personne dans profiter. Ce bien est donc non rival.
Malheureusement, l’action de l’homme met à mal le climat, à cause notamment des Gaz à effet de serre, de la déforestation et des pollutions multiples. Les actions publiques pour réduire l’impact négatif de l’homme sur la nature se heurtent néanmoins à la stratégie des passagers clandestins.
B. Les passagers clandestins nuisent à l’ensemble
Le passager clandestin est l’agent qui ne participe pas à l’action collective. Ainsi, concernant le climat, le pays qui se comporte en passager clandestin ne subit pas les coûts supplémentaires pour limiter la pollution. Le pays, passager clandestin peut ainsi profiter des efforts supportés par les autres pays. Il peut se permettre aussi d’être plus concurrentiel car les entreprises ne subissent pas les coûts nécessaires pour limiter la pollution. Si plusieurs pays se comportent en passager clandestin, alors cela remet en cause les efforts collectifs pour réduire les effets négatifs de l’homme sur le climat.
C. Les inégalités de développement et la justice climatique
On peut considérer comme le montre la courbe de Kuznets environnementale que le développement passe indubitablement par une étape marquée par plus de pollution. La courbe de Kuznets environnementale, a été en réalité créée par les économistes américains Grossman et Krueger. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à la courbe des inégalités qui sont censées se réduire avec le développement. C’est pour cela, que par abus de langage on nomme la courbe ci-desous la courbe Kuznets de l’environnement.
Pour autant cette courbe ne fait pas l’unanimité.
source : téléversé par Arzach sur wikipedia
Les Pays Développés (PD) se sont schématiquement développés à partir de la fin du XVIIIe siècle. On sait que cela s’est accompagné d’une augmentation très forte de la pollution de l’air, des cours d’eau. Aujourd’hui les Pays Développés continuent à polluer mais ils ont mis en place des mesures pour limiter la pollution. A contrario les Pays en Développement (PED) qui sont dans le processus de développement;peuvent être amenés à polluer puisqu’ils en sont à la première étape. Des responsables politiques des PED n’acceptent donc pas de participer de la même façon que les PD à la lutte contre la pollution. Les pays développés ont une responsabilité historique dans le niveau de pollution et à ce titre doivent participer plus. Les inégalités de développement provoquent donc un conflit autour de la question de la justice climatique.
III. Les instruments d’une politique climatique
A. Une catastrophe annoncée
Le réchauffement de la planète peut susciter des aléas climatiques conduisant à des destructions massives et coûteuses. On constate ainsi plus d’ouragans, inondations, raz de marée, inondations, feux de forêts… Cela peut engendrer, selon les endroits, une progression des zones arides ou une montée des eaux. Le changement climatique résulte notamment de ce qu’il est convenu d’appeler « l’effet de serre ». Il s’agit comme tu le sais de l’accumulation dans l’atmosphère terrestre de « gaz à effet de serre » (GES). Les principaux sont les dérivés carbonés, en particulier ceux émis lors de la combustion des énergies fossiles
B. Les économistes parlent d’externalité négative
Les dérèglements du climat étant la résultante des émissions de GES, celles-ci peuvent être analysées comme une pollution. En terme économique cela correspond à une externalité négative . Autrement dit, les conséquences négatives du comportement d’un acteur économique sur un autres acteur sans compensation monétaire. Dans de telles situations, les agents économiques individuels ne prennent en compte, dans leurs décisions, que les coûts et les bénéfices privés de leurs actions. Ils négligent alors les coûts subis par les tiers, donc par la collectivité tout entière. Puisqu’il y a externalité, il y a défaillance de marché en situation de laisser-faire. En effet, en présence d’externalité négative, le coût privé est inférieur au coût social, . Les pouvoirs publics sont alors appelés à intervenir pour mettre en place des mesures permettant une meilleure allocation des ressources.
Comment les pouvoirs publics peuvent intervenir ? Les réponses ci-dessous.
C. La réglementation: une mesure contraignante mais qui manque d’efficacité
La réglementation c’est une intervention de la puissance publique pour normaliser. Elle met en place des normes de produits comme par exemple l’interdiction d’utiliser du soufre. Il y a aussi des normes de procédés. Ou encore des normes d’émission ou encore des normes de qualité avec des amendes si l’entreprise ne respecte pas les normes publiques. Ainsi, le protocole de Montréal signé en 1987 et entrée en application en 1989 a permis d’interdire la production des biens contenant du CFC.Ce gaz était en effet grandement responsable de la destruction de la couche d’ozone. Aujourd’hui 196 pays l’ont interdit les. Autrement dit, la règlementation permet d’avoir un impact fort et rapide, notamment pour interdire des produits dangereux
Mais utiliser la réglementation pour lutter contre la pollution présente deux désavantages importants ;
– Il faut vérifier que la norme est bien respectée. Il faut donc mettre en place des contrôles et obtenir des informations réservées par les entreprises privées. Cela a un coût et on n’obtient pas forcément la bonne information. Les entreprises ont tout intérêt à mentir. Voir notamment le scandale du Dieselgate.
– Les entreprises qui sont proches de la norme ont peu d’effort à fournir pour réduite leurs externalités négatives. Autrement dit la règlementation n’incite pas suffisamment certaines entreprises à faire des efforts.
D. La taxation : une mesure incitative
La taxation c’est l’action de la puissance publique qui émet des taxes pour inciter les pollueurs à réaliser des efforts pour limiter leurs pollutions. C’est l’exemple de l’écotaxe appliquée aux pollueurs. Par exemple la taxe aux poids lourds. C’est une taxe pigouvienne* qui incite à réduire la pollution
* Pigou (1877-1959) est un économiste néoclassique anglais favorable à toute mesure permettant la mise en place du mécanisme du marché. Cependant, Pigou prône l’intervention de l’État lorsqu’il y a défaillance du marché comme par exemple dans le cas d’externalités négatives. La taxe permet alors d’ internaliser les externalités ! Tu as compris 🙂 Le pollueur doit payer le coût réel pour rapprocher le coût privé du coût social. Le coût social est le coût de la pollution réellement supporté par la société.
Un avantage important de cet instrument permettant de limiter la pollution : la taxe incite le pollueur à limiter sa pollution pour payer moins de taxe. Cependant la puissance publique doit mettre en place de nombreuses institutions pour contrôler, mesurer la pollution. De plus, elle doit éventuellement sanctionner les entreprises cachant le niveau de pollution pour payer moins de taxes.
D’autre part, les citoyens moins favorisés peuvent considérer comme injuste ces nouvelles mesures fiscales qui touchent directement leur pouvoir d’achat. Par exemple, comme le rappelle le sociologue de l’urbain Jacques Donzelot, les citoyens moins favorisés résident plus souvent à la périphérie des villes. Cela nécessite l’utilisation plus régulière d’une voiture. Rappelons nous que le mouvement des Gilets jaunes avait commencé ainsi en octobre 2018 face à l’augmentation déclarée de la taxe sur les produits énergétiques (TICPE).
E. La subvention : une autre mesure fiscale incitative
La taxation vise a augmenter le coût privé d’un bien. A l’inverse la subvention tend à diminuer le coût du bien. Cela incite les ménages à consommer ce bien et donc les producteurs à favoriser l’innovation verte pour répondre à la production de ce bien. C’est l’exemple notamment du bonus écologique qui correspond à une aide financière de l’État pour acheter ou louer un véhicule neuf économe en énergie. Philippe Aghion, professeur au Collège de France, rappelle dans l’ouvrage Le pouvoir de la destruction créatrice que le marché ne va pas spontanément diriger les capitaux technologiques vers les innovations vertes. Les pouvoirs publics peuvent alors les inciter à se lancer dans la création innovante à l’origine d’un cycle vertueux.
F. Une mesure incitative sans intervention de l’État : le marché des droits à polluer
Le libéral Ronald Coase
A l’origine de l’idée: Ronald Coase (1910/2013), économiste britannique. Il publie en 1960 The problem of social cost. Pour cet auteur, si les droits de propriété sont biens répartis, notamment en ce qui nous concerne les ‘droits d’émissions’ alors le problème de la pollution peut se résoudre entre l’agent pollueur et l’agent qui subit la pollution. Cela se fait sans taxe ou règlementations fixées par les pouvoirs publics.
Comment cela fonctionne? Les pouvoirs publics précisent la quantité de pollution acceptable, les fameux quotas d’émission. Ils peuvent se les échanger sur lemarché des droits à polluer. Cela va ainsi déterminer le prix à payer pour atteindre ce niveau de pollution acceptable. C’est ce principe qui a été retenu pour les Gaz à Effet de Serre – GES – lors du protocole de Kyoto de 1997 mis en place en 2005. En Europe le marché est alors mis en place en 2005. L’ Etat distribue des permis d’émission négociable (PEN on dit ETS en anglais) ou permis de droit à polluer à chaque entreprise pollueuse. Si l’entreprise pollue moins que prévu en mettant en place des coûts de dépollution, elle va pouvoir vendre ses PEN. Sinon il lui faudra en acheter sur le marché.
Un marché qui fonctionne sous certaines conditions
A priori tout entreprise pollueuse est incitée à limiter sa pollution. Mais si l’État distribue trop de PEN alors elle a moins besoin de faire des efforts. Or pour ne pas augmenter d’une façon trop importante les coûts des entreprises et pour qu’elles restent compétitives les États européens en ont distribué beaucoup. Ainsi le marché n’a pas toujours bien fonctionné. De plus depuis la crise des subprimes, le croissance est atone et la production stagne. Il y a alors beaucoup de PEN qui circulent sur le marché. Si vous voulez c’est comme des titres qui s’achètent et se vendent ! En face la demande est faible puisqu’il y avait crise. Donc le prix des PEN s’écroule. Il ne permet plus de réguler correctement la pollution.
Conclusion
MAJ juillet 2022 @ Philippe Herry