Faut-il plus de caméras dans les lieux publics et plus de forces de police pour nous protéger ? Nous rentrons dans un dispositif sécuritaire, qui semble être le seul remède pour nous protéger. Et pourtant…Nous allons voir, dans ce thème, les processus qui contribuent à la déviance et la délinquance.
Les notions essentielles du chapitre définies dans l’article : le contrôle social formel et informel, la déviance, le stigmate, les entrepreneurs de morale, la délinquance
I. Qu’est-ce qu’un comportement déviant ?
La déviance est normale
Le déviant est celui qui ne respecte pas les normes. Il faut ici multiplier les exemples de déviance dans différents milieux sociaux, à différentes périodes, pour comprendre que la déviance n’est pas bonne ou mauvaise, mais une transgression d’une norme construite à un moment donné dans un milieu social, une communauté, une société.
Fumer, y compris dans les lieux publics, pouvait être considéré comme la norme pour un homme viril 🙂 dans les années cinquante et soixante. Regarde encore une fois Casablanca avec Humphrey Bogart et tu verras qu’il a constamment une clop au bec. Aujourd’hui, on peut jeter un regard de désapprobation à la personne qui enfume son voisinage.
La déviance est liée au contrôle social formel et informel.
Le contrôle social formel
Le contrôle social formel définit le contrôle des règles de vie en société par des institutions spécialisées, par exemple la police, la justice, ou encore dans un lycée, le conseiller principal d’éducation, mais aussi le proviseur.
On retrouve alors les sanctions administratives. Prenons les exemples liés à la vie de tous les jours dans ton lycée. On retrouve les punitions dans une matière, une colle s’il y a un manquement au règlement intérieur du lycée, éventuellement un conseil de discipline, mais aussi des bonnes notes pour les élèves qui ont satisfait aux évaluations, des remarques positives lorsque les élèves ont le comportement attendu…
Le contrôle social informel
Mais surtout, le contrôle social est réalisé par le contrôle social informel. Les individus exercent consciemment ou inconsciemment le contrôle social. C’est par exemple un regard de désapprobation lorsqu’une personne coupe la queue dans un grand magasin. C’est également le sourire aimable que l’on adresse à une personne qui nous fait un compliment. Les applaudissements nourris lorsqu’on souhaite montrer notre contentement lors d’un spectacle, etc. Ces pratiques quotidiennes guident la façon de se comporter de chacun d’entre nous. Ainsi, nous jugeons le comportement d’une personne en fonction des normes que nous partageons avec le groupe, puis nous appliquons une sanction. Attention ! En sociologie, on considère que la sanction peut être positive ou négative.
Sanctions positives | Sanctions négatives |
Approbation par des signes, des gestes.
Un sourire, une tape amicale dans le dos, une accolade |
Un regard désapprobateur En classe des élèves vont demander aux élèves bavards de se taire. Ils vont s’éloigner d’eux pour leur faire comprendre que leur comportement n’est pas attendu. |
Le contrôle auto-consenti
L’individu qui a intériorisé les normes met alors en place un contrôle social interne, c’est-à-dire un contrôle auto-consenti. L’individu se conforme aux attentes du groupe parce qu’il a intégré la nécessité de le faire. C’est ce qui amène le processus de civilisation selon le sociologue N. Elias (1897/1990).
Une illustration : En voiture, vous jetez votre bouteille en plastique par la fenêtre. Tout le monde vous regarde étonné. Vous ne le referez plus…
Autrefois et aujourd’hui
Autrefois dans les sociétés plus traditionnelles (communautés, villages…) ou aujourd’hui dans les groupes primaires (petit groupe mais aussi gang, mafia, sectes, classes scolaires…) le contrôle social informel était prépondérant, mais avec l’urbanisation, l’individualisme dans les sociétés modernes, le contrôle social informel s’affaiblit dans la sphère publique au profit du contrôle social formel. On voit alors apparaître une nouvelle forme de surveillance assurée par les nouvelles technologies, avec les caméras à reconnaissance faciale qui contrôlent les manquements à la norme sociale, comme cela se fait à grande ampleur en Chine.
Reprenons également la thèse de l’historienne Hannah Arendt (1906/1975). Le contrôle social qui ne s’exerçait autrefois que dans la sphère publique, s’étend dans les sociétés modernes à la sphère privée. Par exemple, la maltraitance envers les membres de la famille est bien sûr aujourd’hui considérée comme une transgression d’une règle juridique et à ce titre condamnable pénalement.
Le saviez-vous ?
L’expérience de Milgram
Jusqu’à quel point sommes-nous capables d’accepter les règles de vie en communauté et notamment d’obéir à un ordre ? C’est pour vérifier ce niveau d’obéissance que le psychologue américain Stanley Milgram a imaginé, dans les années 60, une expérience originale mettant l’individu face à un conflit : obéir aux ordres de scientifiques qui symbolisent finalement le savoir légitime ou désobéir aux ordres qui nous semblent moralement condamnables ! Pour connaître les résultats, je te laisse visionner la vidéo (environ 10′ . Tu vas adorer !)
La montée de l’individualisme
Avec la montée de l’individualisme, qui se caractérise par le fait que l’individu s’émancipe des tuteurs, le contrôle social formel s’étend de plus en plus aux domaines de la vie en société. C’est dans ce cadre qu’il faut replacer le thème de la vidéosurveillance. Dans une société où le contrôle social informel est moins prégnant, alors on comprend que le maintien des règles de vie en société est assuré en premier lieu par les institutions publiques, l’armée, la justice, la police et la gendarmerie… et dans un monde où les budgets de l’État ne sont pas extensibles et qu’il est donc nécessaire de réduire les dépenses, il est tentant de remplacer l’humain par des machines, on dit encore, comme tu le sais, substituer des travailleurs par des machines. Ici, il s’agit de substituer des agents de sécurité par des caméras qui visionnent 24 heures sur 24 sans faire d’erreur.
Nous allons déplacer notre regard ». En effet, si le contrôle social consiste à assurer le maintien des règles, alors cela participe à la lutte contre la déviance.
II. Quels sont les processus qui conduisent à la déviance ?
La déviance est une construction sociale.
La déviance est la transgression des normes en vigueur dans la société. Cela concerne les normes formelles, les lois, les règlements, mais aussi les normes informelles, comme la politesse ou le respect des autres.
La déviance n’est pas un problème pathologique, mais c’est un processus qui est construit par la société dans laquelle on vit. C’est ce nouveau regard que vont explorer les sociologues américains de l’École de Chicago.
Le saviez-vous ?
Les deux Écoles de Chicago.
Il existe en réalité deux écoles de Chicago en ce qui concerne la sociologie. Le premier courant de pensée ou école de pensée prend naissance à la fin du XIXe siècle. Il se prolonge jusqu’au début des années 30. Dans une ville qui se développe très vite, comme le dessine d’ailleurs Hergé dans Tintin en Amérique, il est intéressant de comprendre la géographie spatiale de la ville, les regroupements entre Italos, Polacks, Irlandais… les conflits, la délinquance, mais aussi les formes de solidarité qui naissent. Les premiers sociologues de l’École de Chicago vont alors prôner l’étude de terrain, l’observation participante. C’est cette façon de travailler en sociologie qui va être reprise et approfondie par la Deuxième École de Chicago. On retrouve alors des auteurs comme Howard Becker, Anselm Strauss ou Erving Goffman. Ils vont analyser la déviance et les processus qui conduisent à la déviance. Mais dans une perspective nouvelle ; l’interactionnisme symbolique ! Nous pouvons alors comprendre que la construction de notre identité se fait sur la base des interactions quotidiennes avec notre groupe social.
Ils ont transformé le regard que nous portons sur la déviance.
La déviance : le produit d’un étiquetage
La déviance est construite par ceux qui portent le regard réprobateur sur la transgression de la norme. Ainsi, il existe des entrepreneurs de morale pour reprendre l’expression d’Howard Becker. Ce sont les individus qui créent les normes sociales et qui se chargent de les faire respecter. Les personnes qui ne respectent pas les normes vont être étiquetées. La construction de leur identité va se faire à travers ce regard désapprobateur. Une carrière déviante va se construire étape après étape.
Le stigmate produit de la déviance
Un autre grand sociologue américain, Erwing Goffman, qui a eu une vie tourmentée, analyse les stigmates portés par la société sur certaines personnes. Avant de continuer, tu peux, si cela t’intéresse, percer les secrets d’une conversation à travers cet article Perdre la face ou faire bonne figure.
Le stigmate, est un attribut d’une personne ou d’un groupe qui jette le discrédit sur lui ou eux. Les stigmates peuvent être corporels. Ainsi, l’auteur nomme les monstruosités, les personnes qui sont affectées d’une tare génétique. Elles seront alors stigmatisées par leurs caractéristiques physiques. De même, l’orientation sexuelle d’une personne, selon la culture de la société dans laquelle elle évolue, peut stigmatiser. Il existe ainsi de nombreuses stigmatisations qui jettent le discrédit sur certaines personnes et les refoulent au-delà de la ‘norme’.
III. Un regard sur la délinquance
La délinquance est une déviance qui fait l’objet d’une sanction pénale. Il y a donc différents degrés de délinquance.
Prends différents exemples pour classer différents actes délinquants. On peut distinguer trois groupes. La délinquance qui fera l’objet d’une sanction pénale mineure (contravention), celle plus importante qui caractérise le délit et, en dernier lieu, le crime.
On pourra débattre de la norme juridique pratiquée dans une société. Ainsi, plus la norme juridique est forte et plus cela augmente le niveau de délinquance. Par exemple, pendant très longtemps, le port de la ceinture n’était pas obligatoire en voiture. Mais à partir du moment où, pour des raisons évidentes de sécurité, on a sanctionné le manquement au port de la ceinture, le niveau de délinquance a augmenté. Inversement, avec des lois moins répressives concernant l’usage des stupéfiants, les chiffres de la délinquance vont baisser.
MAJ juillet 2024 @ Philippe Herry
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plutot sympa cela nous a beaucoup aidé 😉 !
Ça m’as beaucoup aidé merci 😉👍
Super facile a comprendre avec des exemples précis