Si l’on prend comme point de comparaison le début des années 1970, les inégalités de revenus ont baissé. Mais, depuis une vingtaine d’années, changement de cap : les inégalités repartent à la hausse. D’abord, les niveaux de vie des très riches se sont envolés. Ensuite, depuis une dizaine d’années, ceux des plus pauvres diminuent. Le jugement que l’on peut porter sur les inégalités de revenus dépend de l’échelle de temps et de l’instrument de mesure que l’on utilise.
Avertissement : l’Observatoire des inégalités a recalculé l’ensemble des séries de l’Insee pour tenir compte des changements méthodologiques apportés par l’Insee en 2010 et 2012. |
L’évolution depuis 40 ans
- Selon le « rapport interdécile »
L’outil le plus souvent utilisé pour mesurer les inégalités de revenus est appelé « rapport interdécile », rapport entre le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches (ce qui s’appelle un décile, le neuvième) et le niveau de vie maximum des 10 % les plus pauvres (un autre décile, le premier). Tout cela, après impôts directs et prestations sociales, pour une personne seule.
Avec cet outil, et si l’on observe les choses depuis les années 1970, la diminution est nette : en 1970, les plus modestes avaient un niveau de vie 4,6 fois moins élevé que les 10 % les plus riches, en 2015, ce rapport est de 3,5. La baisse des inégalités de revenus a été continue des années 1970 au début des années 1990. Depuis, ce rapport stagne aux alentours de 3,5 avec un pic à 3, 7 en 2011.
Revenus après impôts et prestations sociales. Pour 2015 : estimation provisoire Insee. Lecture : en 2015, le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches était 3,5 fois supérieur au niveau de vie le plus élevé des 10 % les plus pauvres.
- Selon l’indice de Gini
L’indice de Gini est un autre outil pour mesurer les inégalités de revenus. Il les décrit mieux que le rapport interdécile car il tient compte de l’ensemble des revenus, des plus faibles aux plus élevés. Le rapport interdécile ne dit rien sur les revenus moyens ou extrêmes par exemple. Plus l’indice de Gini est proche de zéro, plus on s’approche de l’égalité (tous les individus ont le même revenu). Plus il est proche de un, plus on est proche de l’inégalité totale (un seul individu reçoit tous les revenus). Là aussi, la situation s’est nettement améliorée entre les années 1970 et le début des années 1990 : cet indice est passé de 0,337 à 0,283. Puis, il est remonté à 0,308 en 2011. Après une baisse de 2011 à 2013, l’indice de Gini tend à remonter légèrement de 0,293 en 2014 à 0,295 en 2015.
On n’assiste pas à une « explosion » des inégalités de revenus en France. Notre système de protection sociale limite en partie les écarts et leur creusement. Les hausses d’impôts de 2011 à 2013, tant décriées, ont elles aussi réduit les inégalités de niveaux de vie. Ce qu’il faut garder en tête, c’est le changement de tendance : notre pays, comme bien d’autres, ne marche plus vers l’égalité en matière de revenus mais voit de plus en plus les écarts se creuser.
Les 10 dernières années
Depuis 2003, le niveau de vie moyen [1] des 10 % les plus pauvres diminue, alors que, jusque dans les années 2000, la tendance était à l’augmentation. Sur la période, le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres a évolué en dents de scie [2]. Entre 2003 et 2014, il a diminué d’une trentaine d’euros par mois, compte tenu de la hausse des prix. Cette évolution globale masque des périodes de progrès (2005-2008, puis 2012-2013) et de vaches maigres (2004-2005, 2008-2012, 2013-2014). Les inégalités ne s’accroissent plus seulement par le haut.
L’évolution du niveau de vie moyen des 10 % les plus aisés est marquée par une progression quasiment ininterrompue entre 2003 et 2011, malgré la récession de 2008-2009. Au cours de cette période, le niveau de vie moyen mensuel des 10 % les plus riches a augmenté de 686 euros. Entre 2011 et 2013, il a diminué très nettement, sous l’effet notamment des hausses d’impôts : - 430 euros en deux ans. Pourtant, sur l’ensemble de la période, le gain reste quand même de 272 euros mensuels et contraste avec la baisse du niveau de vie des 10 % les plus pauvres.
L’écart de revenu entre les riches et les pauvres augmente
En onze ans, le niveau de vie mensuel moyen des plus riches a progressé de près de 272 euros quand celui des plus pauvres a diminué de 31 euros (après inflation). L’écart entre le niveau de vie mensuel moyen des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres s’est fortement accru entre 2003 et 2011, du fait de la hausse des revenus des plus riches. De 3 700 euros par mois en 2003, l’écart est passé à 4 400 euros en 2011. Il a diminué ensuite pour atteindre 4 000 euros en 2013. Cette baisse est en partie due aux hausses d’impôts qui ont touché les plus aisés. En 2014, le niveau de vie des plus pauvres est reparti à la baisse et celui des plus riches à la hausse.
Les commentaires sur l’évolution des inégalités de revenus sont souvent erronés. Tout d’abord parce qu’ils ne tiennent pas compte des ruptures de séries de 2010 et 2012 qui faussent les calculs. L’Observatoire des inégalités est le seul à publier des séries recalculées qui tiennent compte des changements de méthode de l’Insee. Ensuite, parce que les exagérations sont nombreuses, entre ceux qui veulent absolument montrer que les écarts se réduisent ou, inversement, qu’ils explosent, alors que ni l’un ni l’autre n’est vrai. Le modèle social français (grâce aux retraites et aux prestations sociales notamment) amortit les chocs. Il s’agit moins d’un effondrement des niveaux de vie en bas de l’échelle que d’un affaiblissement des plus pauvres. Nous soulignons de longue date cette inversion de tendance : amorcée dès le milieu des années 1990, elle constitue un changement structurel majeur. Ce qui peut générer de fortes tensions.
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