
Les notions du programme à connaître: solidarité mécanique et organique, cohésion sociale.
I Émile Durkheim et les différentes formes de solidarité
A. Émile Durkheim concilie individualisme et cohésion sociale
C’est dans son célèbre ouvrage « De la division du travail social » (1893) qu’il développe la différence essentielle entre communauté et société et le rôle clé de la division du travail. Tout d’abord, il montre que les communautés traditionnelles sont soudées par la solidarité mécanique, alors que les sociétés développées ont mis en place des solidarités organiques
solidarité mécanique | solidarité organique | |
type de société | ce sont des sociétés de tailles réduites. C’est l’exemple des communautés traditionnelles avec même croyance ou conscience collective, faible division des tâches | société qui a connu le progrès technique. Elle se caractérise par une forte division des tâches et une spécialisation fonctionnelle |
les règles relationnelles |
Il y a similitude des individus et de leurs fonctions. Les relations sont guidées par la tradition, les valeurs et les croyances partagées Il y a une faible autonomie de l’individu et l’existence de nombreux rituels qui permettent la cohésion sociale de la société |
la société se caractérise par une autonomie dans les relations, des valeurs et des croyances distinctes. De plus coexiste au sein de la société une pluralité de liens sociaux. |
la justice | droit répressif: elle est subordonnée à la conscience collective*. | droit restitutif ou ‘coopératif’ qui veille à réparer et organiser et non pas seulement à sanctionner |
Voir S. Paugam Le lien social Que sais-je?, 2008
* la conscience collective c’est l’ensemble des croyances , des sentiments, des représentations communes aux membres d’une société. La conscience collective est un mode de cohésion sociale qui s’estompe dans les sociétés modernes.
Le tableau ci-dessus nous permet de montrer les traits caractéristiques de deux formes de solidarité décrites par E. Durkheim:
La solidarité mécanique est une forme de cohésion sociale typique des sociétés traditionnelles de taille réduite, avec une très faible division du travail et fondée sur une similitude entre les membres. Les fonctions, valeurs et croyances des individus sont identiques ce qui les unit mécaniquement
La solidarité organique est une forme de cohésion sociale typique des sociétés industrielles, avec une forte division du travail. La conscience collective est faible et les individus fortement différenciés.
La solidarité organique permet de maintenir la cohésion sociale dans une société . La cohésion sociale se caractérise par la nature* et l’intensité des relations sociales** qui existent entre ses membres.
* la nature des relations sociales c’est par exemple des relations sociales basées sur l’esclavage, la servitude, la soumission, la hiérarchie, ou les relations contractuelles
**l’intensité des relations sociales prend en compte aussi bien la sociabilité des individus, que le capital social ou les réseaux sociaux.
Avec le développement de la société, E. Durkheim considère que la société traditionnelle à solidarité mécanique se transforme et devient une société avec solidarité organique. Pourquoi cette expression solidarité organique? Il y a ici une analogie aux organes du corps humain. Chaque organe, le foie, la rate, le cœur, les poumons, … ont une fonction spécifique, autrement dit chaque organe est spécialisé et ensemble ils permettent le fonctionnement du corps humain. De la même façon, chaque individu va répondre par son travail à une fonction précise, commercial, assureur, sportif, journaliste, enseignant, manager, ouvrier spécialisé, … et se faisant il permet à la société de fonctionner. Toute la société est ainsi régulée par la ‘division du travail social’. E. Dukheim s’est donc fortement inspiré des sciences naturelles à une époque où Darwin modifie complètement les repères sur l’origine de l’homme.
Pour autant, toute forme de solidarité mécanique a-t-elle disparue dans les sociétés développées?
B. Le lien communautaire a-t-il disparu?
La réponse est non! Nos sociétés modernes connaissent la persistance des formes de solidarité mécanique. Il existe encore de nombreuses communautés basées sur la coutume locale, l’appartenance ethnique. Dans les banlieues défavorisés ou les quartiers chics, des formes de conduite peuvent correspondre à la solidarité communautaire.
Des liens fondés sur la similitude et la proximité d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et coutumes), de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture (style de vie) ou de valeurs (cause à défendre).
Durkheim n’écartait pas totalement l’idée que des formes de solidarité mécanique puissent persister même lorsque le niveau d’avancement du processus de division du travail a imposé de façon générale la solidarité organique. Ainsi, selon Durkheim, d’autres formes de regroupements, fondés sur une similitude forte (la famille) ou relative (les organisations professionnelles) sont nécessaires pour assurer la cohésion sociale. La persistance des liens communautaires traditionnels, reposant sur des croyances partagées et des valeurs communes, n’est donc pas totalement absente des analyses de Durkheim.
II Les instances d’intégration traditionnelles sont remises en cause
A. Les mutations de la famille
La forme de la famille évolue. Les divorces, les remariages, les unions libres modifient considérablement la forme familiale.
Même si la famille nucléaire reste très largement majoritaire, il y a ainsi une augmentation des naissances hors mariages avec la multiplication des unions libres. Il existe aussi une forte augmentation des familles monoparentales et recomposées. L’institution famille se recompose. Les rôles de l’homme et de la femme sont moins définis. Mais, la famille reste en majorité un lieu d’entraide et de solidarité parents-enfants mais aussi grands parents-parents ou grands parents-petits enfants. Le capital social transmis par la famille reste un facteur prépondérant d’intégration sociale
B Les insuffisances de l’intégration par l’école
La croissance économique des ’30 glorieuses’ a permis la massification scolaire. Une éducation pour les enfants de tout milieu social.On a vu une évolution quantitative très importante de jeunes qui accèdent à un diplôme. De cette manière l’école contribue à la cohésion sociale. Elle transmet des normes et des valeurs qui servent de base à la culture commune. En effet l’école est une agent principal de la socialisation primaire. De plus, l’école permet d’acquérir des qualifications et ainsi les individus s’insèrent dans la division du travail. Enfin, grâce à une meilleure compréhension du monde, les élèves formés seront plus autonomes.
Pour autant, l’école poursuit deux objectifs qui peuvent parfois sembler contradictoires. Elle participe à la démocratisation de l’éducation mais dans le même temps, elle sélectionne les individus pour répondre à une société fortement rationalisées. Elle s’efforce de respecter l’égalité des chances mais nous avons vu notamment à travers les analyses de domination de P. Bourdieu ou celle des effets pervers des stratégies d’acteurs de R. Boudon, que les inégalités scolaires sont à relier aux inégalités sociales, économiques et culturelles. Ainsi le principe méritocratique peut être remis en cause. De plus, face à un public scolaire plus hétérogène sur le plan social et culturel, l’école éprouve davantage de difficultés à transmettre une culture commune. Dans ce contexte, l’échec scolaire peutêtre vécu comme un stigmate voire comme une forme de mépris. Cela peut expliquer en partie certains comportements: violence, absentéisme, décrochage scolaire.
C. Travail et précarité
Comme nous l’avons analysé dans le thème croisé ‘ Quelles politiques pour l’emploi?’, le travail est une instance d’intégration sociale fondamentale dans les sociétés modernes, mais une forme de précarisation de l’emploi, fragilise le processus.
Rappelons tout d’abord, en quoi le travail intègre: le travail contribue à la construction de l’identité sociale au sein de laquelle l’identité professionnelle forme une composante importante. Les relations de travail remplissent une fonction de socialisation secondaire, influencent la sociabilité des individus c’est à dire leurs capacités à nouer des relations sociales et raffermit les réseaux sociaux autrement dit, l’ensemble des relations entre les individus. Par ailleurs, les relations professionnelles donnent accès à diverses formes de participation sociale par l’intermédiaire des syndicats ou des associations professionnelles. – Le travail confronte l’individu au réel puisqu’il est contraint de donner la mesure de ses qualités et de ses compétences. Ce faisant, il fait la preuve de la maîtrise qu’il a sur un environnement qui peut être technique, naturel, relationnel etc. Il en retire ainsi, une estime de soi qui contribuent à asseoir sa personnalité et la confiance en soi. – Le travail assure un revenu d’activité qui permet l’accès à la société de consommation. L’activité professionnelle facilite ainsi le développement de liens marchands mais aussi de liens électifs souvent associés aux loisirs. – Le travail donne accès à des droits sociaux qui concourent à la protection des individus face aux différents risques de la vie sociale. – Finalement, en attribuant un statut social aux individus, le travail concourt à leur reconnaissance sociale, à leur dignité et à leur autonomie, conformément aux analyses de Durkheim. L’individu est alors intégré dans la division du travail social source de la solidarité organique.
Toutefois, les transformations contemporaines du monde du travail, remettent en question, la fonction d’intégration du travail. En effet, nous constatons des mutations de l’emploi: augmentation du chômage, de l’alternance entre activité et chômage, et des condition de travail précaire. Cela a des répercussions économiques et sociaux. Le manque de revenus réguliers, empêchent l’individu de réaliser des projets de consommation ou d’investissement. Le manque d’emploi, fragilise l’affiliation au régime de protections sociale et peut faire basculer dans l’assistance. C’est notamment le cas des chômeurs en fin de droits. Enfin, l’expérience du chômage, souvent douloureuse, risque de dégénérer en un processus cumulatif de rupture des différents types de liens sociaux. – D’autre part, nous avons constaté que l’organisation du travail évolue. Les entreprises et administrations exigent plus de flexibilité, de mobilité. Face à l’exigence de compétitivité et de rationnement des coûts du travail, on constate une intensification du travail. Cela place les travailleurs dans des situations de stress qui génèrent des problèmes de santé et un mal-être aux conséquences plus ou moins graves.
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MAJ juin 2018 @ Philippe Herry
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